Plus de trois mois après le premier tour, cet étrange second tour des municipales, ce dimanche, sera l’amorce d’un tournant dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, à moins de deux ans de la prochaine présidentielle.
Etrange, car il est sans précédent qu’autant de temps ait séparé les deux tours d’une élection, au risque de casser ce rite électoral et sa dynamique, et donc la mobilisation des citoyens, déjà moins forte par tradition dans les villes de plus de 30 000 habitants – soit celles qui votent ce dimanche, les « petites » villes ayant souvent élu leur maire dès le 1er tour. De fait, en cette dernière semaine de campagne, l’attention médiatique s’est peu portée sur ce dimanche électoral, et dans nombre de cas, le suspens y est limité – à commencer par Paris. Le premier chiffre à regarder dimanche soir sera donc celui de la participation, qui pourrait être en net recul par rapport à celle de mars 2014 (62%). Etrange aussi, car malgré ce manque d’intérêt, quelques villes néanmoins, et non des moindres, donneront leur coloration politique aux résultats : Lyon, Marseille, Toulouse pourraient en effet voir la victoire de listes de gauche à forte tendance écologiste, menées souvent par des militants associatifs. Aidée par des fins de règne ou des successions difficiles de maires très anciens, cette gauche « social-écologiste » peut ainsi sortir victorieuse de ces municipales, d’autant que nombre de maires sortants PS – Paris, Nantes, Rennes par exemple – ont beaucoup verdi leurs projets et négocié des alliances avec les écologistes. D’ailleurs, c’est faute d’y être parvenu, que Martine Aubry à Lille, fief historique du PS, est en ballotage dans une triangulaire incertaine.
Après la surprise du bon score de Yannick Jadot aux Européennes de juin 2019, l’écologie politique, désormais dominante à gauche, semble confirmer qu’elle est une force majeure de la France des métropoles – même si le reste du pays, notamment la « France périphérique », celle qui a vu fleurir la révolte des Gilets Jaunes, lui est beaucoup moins favorable… Selon donc que ces quelques villes basculeront vers l’écologie, ou bien resteront dirigées par des équipes de droite auxquelles La REM macroniste a dû se rallier, souvent en position de faiblesse, la lecture politique sera différente et les leçons que devra en tirer le Président de la République, peut-être aussi. Hasard des circonstances ou pas, c’est au lendemain de ce dimanche vert ou bleu, que ce dernier donnera sa réponse aux propositions de la Convention Citoyenne sur le Climat. Ces 150 citoyens tirés au sort ont phosphoré 9 mois durant, avec l’aide appuyée d’experts souvent engagés, sur la façon dont la France doit lutter contre le réchauffement climatique. Révision constitutionnelle, référendum, mesures d’interdictions et d’impositions, ces propositions et la suite qu’il leur donnera, n’auront rien de neutre au moment où le chef de l’Etat a promis de « se réinventer ».
Et son gouvernement avec. Car pour que l’incertitude soit complète, c’est aussi la semaine prochaine que le Président engagera un remaniement bien acté, mais dont on ne connaît pas l’ampleur. Au point que le suspens demeure sur le titulaire de la fonction ô combien stratégique de Premier ministre. Edouard Philippe, qui devrait l’emporter dans sa bonne ville du Havre (mais de combien ?) a fait ses dernières semaines un beau lobbying pour ne pas quitter Matignon, aidé en cela par une cote de popularité devenue flatteuse. L’orientation de la réinvention macroniste, incontournable après une année qui a vu une forte contestation de la réforme des retraites et l’épidémie du Covid, et avant que le pays affronte sa plus forte récession économique depuis 1945 (-12,5% selon le FMI…), sera décisive dans son maintien ou non à Matignon. Dimanche 14 juin, devant plus de 23 millions de français, Emmanuel Macron avait tenu un discours de reconstruction très rooseveltien, en même temps que très républicain. L’écologie militante des métropoles et de la convention citoyenne le conduira-t-il à verdir cette réinvention ?