Dans une formule dont il a le secret , le Président Macron a abordé il y a quelques jours le sujet de la 5G devant une centaine de chefs d’entreprises de la French Tech en déclarant : « La France est le pays des Lumières, c’est le pays de l’innovation (…) On va tordre le cou à toutes les fausses idées ….
J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine ». Le chef d’Etat a-t-il pensé qu’il allait mettre un terme à l’opposition contagieuse au déploiement de la 5G en France et en Europe ? A-t-il plutôt voulu prendre une position de principe pour fixer les limites à un débat plus général qui pourrait diviser les candidats à l’élection présidentielle de 2022 entre tenant du progrès technologique, de la connectivité des objets et des personnes, de l’intelligence artificielle et les tenants de la pause technologique, de la lutte contre le réchauffement climatique par la décroissance ? Une chose est sûre, si ces débats ne sont pas nouveaux et reprennent des discussions philosophiques lointaines, ils prennent un tour actuel dans le monde développé et notamment en France à l’occasion des crises sanitaire et économique que nous traversons.
La convention citoyenne, expérience nouvelle et plutôt réussie de démocratie participative directe par tirage au sort de 150 citoyens et citoyennes a mis en exergue les enjeux et les débats autour de la lutte contre le réchauffement climatique : moratoire sur la 5G, remise en cause du trafic aérien et des aéroports, lutte contre la publicité pour des biens ou véhicules polluants, frein au développement de l’urbanisme commercial,… Les exemples se sont multipliés de mesures proposées, transmises pour la quasi totalité sans filtre au Parlement à qui il appartiendra d’arbitrer et de trancher pour les inscrire ou pas dans notre arsenal législatif . Est-ce le bon moment pour aborder démocratiquement ces débats essentiels alors que la croissance de nos économies est en berne, que l’emploi est menacé, que les plus démunis sont en situation de grande fragilité ? J’en doute personnellement même si je conviens que chaque rupture, chaque crise peut être l’occasion d’amender notre modèle de développement, de le faire évoluer. Le faire dans un seul pays, indépendamment de notre environnement, faisant fi de la compétition mondiale, du commerce international n’a pas grand sens et c’est en cela que la comparaison avec la communauté Amish, retranchée, isolée du reste du Monde, prend tout son sens. Loin de constituer une garde avancée ou éclairée, les Amish sont devenus une curiosité, objet de moqueries ou de citations cinématographiques.
Ne sous-estimons cependant pas le débat naissant, porté par des élus d’EELV, plus nombreux et plus puissants, au pouvoir désormais de grandes métropoles françaises mais porté aussi par la jeunesse de notre pays et de nombreux pays européens. Ne laissons pas la caricature l’emporter sur le débat démocratique et l’échange. Le progrès technologique est porteur lui aussi de moyens de lutte contre le réchauffement climatique : le développement de l’hydrogène, une énergie nucléaire revisitée, des technologies de télécommunications plus économes en énergie, des bio technologies plus respectueuses de l’environnement, des avions, des trains, des véhicules plus propres, sont autant d’exemples pour illustrer qu’une croissance peut être différente sans tourner le dos au progrès.
On peut être pour le progrès et la technologie et plus efficace contre le réchauffement climatique que des politiques punitives, fondées sur la culpabilité, ou la sanction fiscale . N’oublions pas en sens contraire que la réflexion sur le sens donné au Progrès fait partie intégrante des débats de nos civilisations démocratiques et qu’il ne faut donc pas en avoir peur. Aux propos d’Auguste Comte définissant le positivisme : « La formule sacrée du positivisme : l’amour pour principe, l’ordre pour base, et le progrès pour but », s’opposent ceux plus pessimistes de Victor Hugo : « Sans cesse le progrès, roue au double engrenage, fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un », ou ceux encore plus macabres d’Albert Einstein : « Le progrès technique est comme une hache qu’on aurait mise dans les mains d’un psychopathe ». La démocratie peut s’honorer de débattre de sujets aussi importants. Assurons nous simplement que ces débats conservent le niveau et la profondeur nécessaires.