Un nouveau ministre place Beauvau : Gérald Darmanin dans les pas de Nicolas Sarkozy ?
Alors qu’il occupe la fonction de ministre de l’intérieur depuis le 6 juillet 2020, Gérald Darmanin a imprimé un style directement inspiré de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier occupait la Place Beauvau. Cette filiation assumée se matérialise à la fois par l’inflation des déplacements (plusieurs dizaines en l’espace de quelques semaines) et par la démultiplication de prises de parole musclées, principalement via les réseaux sociaux et pour y condamner de tragiques faits divers.
Porté par une dynamique de surenchère verbale, Gérald Darmanin s’approprie, dans une interview accordée au Figaro le 24 juillet 2020 dernier, un terme jusque-là réservé à l’extrême-droite : l’ensauvagement. Extrait de l’essai controversé La France Orange mécanique, publié par Laurent Obertone 2013, l’emploi de ce terme choc devait conférer à Gérald Darmanin l’image d’un ministre impavide, quitte à raviver les oppositions classiques entre ministre de l’intérieur et garde de sceaux, à l’instar de celles qui ont marqué les binômes Defferre / Badinter, Chevènement / Guigou, Sarkozy / Perben ou plus récemment encore Valls / Taubira, d’une empreinte volontiers conflictuelle. La parenté de style entre Gérald Darmanin et Nicolas Sarkozy, tout du moins pour la période 2002-2004, ne se limite d’ailleurs pas à l’emploi d’une sémantique virile, ni à l’expression scénarisée de divergences avec Eric Dupond-Moretti. Alors que Gérald Darmanin avait annoncé aux policiers et gendarmes, dès sa prise de fonction, qu’il se trouverait derrière eux quoi qu’il advienne, le dévoilement du futur schéma national du maintien de l’ordre, lui a donné l’occasion d’affirmer sa volonté de se trouver, non plus derrière, mais bien devant les forces de l’ordres, pour, bien-sûr, protéger ceux qui seraient injustement accusés mais aussi, dans la plus pure tradition sarkozyste, pour sanctionner fortement ceux qui, par leur comportement ou leur action, entacheraient leur fonction.
A cet égard, restreindre l’usage du Lanceur de balles de défense (LBD) lors des manifestations ou encore cadrer les techniques d’encerclement participe d’un discours équilibré bien que ferme, tranchant avec celui d’un Christophe Castaner qui avait tellement oscillé entre fermeté et rappels déontologiques qu’il avait perdu tout crédit aux yeux des forces de l’ordre. Enfin, chacun aura reconnu dans l’annonce de la présentation mensuelle d’indicateurs d’activité des policiers et gendarmes, la volonté de Gérald Darmanin de revenir à une doctrine plus proactive dont l’efficacité serait mesurée au moyen d’indicateurs de performance, à l’image de ceux qu’avait substitué Nicolas Sarkozy à feu la police de proximité mise en place par Lionel Jospin. Mais au-delà de son style, Nicolas Sarkozy avait surtout marqué son passage au ministère de l’intérieur par sa capacité à lui tracer un chemin. Promulguée le 29 août 2002, la Loi d’orientation et de programmation relative la sécurité intérieure (LOPSI) désignait un horizon et fixait un cap. Or, depuis 2017, c’est bien de cap dont est privé le ministère de l’intérieur. Unique promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, la Police de sécurité du quotidien (PSQ) promettait des fonctionnaires plus nombreux, mieux équipés et mieux formés. Force est cependant de constater que si Gérard Collomb puis Christophe Castaner ont bien créé 2 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires chaque année, la réduction concomitante des budgets de fonctionnement et d’équipement, a dégradé les conditions de travail des policiers et gendarmes.
Quant à la formation, ni la réduction du temps passé en école à seulement huit mois pour les jeunes gardiens de la paix, ni l’effondrement des budgets alloués à la formation continue, ne permettent aux policiers d’envisager sereinement l’exercice de leurs missions. Au bilan, devenu chef d’un ministère en difficulté faute d’avoir été réformé, Gérald Darmanin ne sera pas tant jugé sur l’héritage qu’il a reçu que sur celui qu’il laissera. Le Livre blanc de la sécurité intérieure et la loi d’orientation qui lui succèdera, seront, à cet égard, les deux prochains rendez-vous d’un ministre qui, ayant revêtu le costume de son mentor, aurait, dit-on, un agenda politique.