Les relations commerciales se tendent semaine après semaine entre la Chine et les Etats-Unis et de nombreux analystes parient sur le fait que, même si Biden remporte les élections, la donne ne devrait pas changer du tout au tout dans les relations bilatérales. Depuis août 2020, le gouvernement américain a exigé que les actifs de TikTok soient restructurés et achetés par une entreprise américaine, a voulu interdire l’application WeChat sur son territoire, a mis en oeuvre les sanctions les plus strictes jamais prises contre Huawei et a émis de nouvelles restrictions sur les exportations destinées au plus grand fabricant de semi-conducteurs chinois, SMIC.
Dans les jours qui viennent, il pourrait en outre sanctionner Ant Financial, le géant chinois du paiement en ligne. Face à ces attaques, Pékin prépare la riposte. Bien que les modalités exactes et les échéances ne soient pas connues, plusieurs idées ont émergé. Le gouvernement chinois a menacé de créer une “listes des entités indignes de confiance”, ciblant au premier chef les entreprises technologiques américaines telles que Cisco, en réponse directe à la désormais fameuse “entity list” américaine visant des entreprises technologiques chinoises dont Huawei. La mise en oeuvre effective de cette mesure a pour l’instant été repoussée, mais pourrait se concrétiser après les élections présidentielles de novembre. Voulant marquer un grand coup, le gouvernement chinois a évoqué l’idée d’ouvrir une enquête contre Google pour violation de la politique antitrust chinoise. Cette annonce a pu faire sourire quand on sait que Google a cessé la quasi-totalité de ses activités en Chine depuis 2010.
C’est pourtant oublier un peu vite que l’entreprise de Montain View continue d’autoriser les entreprises chinoises à acheter de la publicité sur ses sites à l’étranger. Les revenus tirés de cette activité ne sont pas publics, mais ils auraient augmenté de 60% en 2018 pour atteindre 3 milliards de dollars, ce qui représenterait tout de même 2% des revenus totaux de la société. Cette attaque contre Google est à la fois symbolique et mesurée. S’en prendre à Apple, qui réalise une part importante de ses profits et de sa production en Chine, aurait été beaucoup plus engageant. Cependant, les mesures chinoises pourraient se durcir. Une nouvelle loi sur le contrôle des exportations est en cours de préparation depuis le début de la semaine et pourrait se traduire par l’interdiction pour des entreprises chinoises d’exporter du matériel technologique jugé sensible à certaines entreprises étrangères.
Dans ce contexte, le découplage des technologies américaines et chinoises se concrétise avec le développement de produits et de normes qui ne seraient plus interopérables. Huawei, privé du droit d’utiliser le système Android développé par Google, s’apprête à lancer son propre système d’exploitation pour smartphone baptisé Harmony OS, qui sera disponible sur ses téléphones en 2021. Le succès ou l’échec de Huawei à se maintenir parmi les premiers constructeurs mondiaux de smartphones est à suivre de près car il illustrera, ou non, la capacité de la Chine à développer et imposer ses propres technologies en dépit des sanctions américaines.