A l’occasion du sommet du CCEAG à Al Ula le 5 décembre, un accord a été conclu entre le Qatar et l’Arabie Saoudite – au nom des quatre pays parties à l’embargo contre Doha – instituant la réouverture de l’espace aérien ainsi que des frontières terrestres et maritimes entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Cette décision est le fruit d’une mission de médiation menée conjointement par le Koweit et les Etats-Unis (l’administration Trump recherchant là un dernier succès diplomatique).
En échange du geste saoudien, le Qatar accepte de geler toutes les procédures juridiques lancées contre ses voisins, notamment auprès de la CIJ . Les parties sont aussi convenues de mettre en sourdine la guérilla médiatique qu’elles se livrent depuis plus de trois ans par l’entremise de leurs chaînes respectives et des réseaux sociaux. D’autres clauses existent – probablement un moindre soutien qatari aux Frères Musulmans et la suspension de l’aide de l’émirat aux opposants saoudiens en exil – mais n’ont pas été dévoilées, car cet accord – très significatif en soi – n’est cependant qu’une étape dans la négociation visant à une réconciliation complète des pays du CCEAG. En effet, s’il s’agit d’un premier pas important, d’autres mesures seront nécessaires pour restaurer la confiance entre les parties, en particulier entre Doha et Abou Dabi. Le retour à la normale prendra donc du temps, d’abord entre les dirigeants mais aussi – dans une certaine mesure – entre les peuples qui ont été marqués par cette crise. En fait, le déblocage remonte à l’automne 2019 – sous la pression de l’administration Trump – quand Saoudiens et Qataris ont repris langue après deux années de guerre froide.
La participation début décembre des équipes de football saoudienne, émiratie et bahreinie à la coupe du Golfe organisée au Qatar a consacré ce début de dégel. Si ces discussions ont finalement abouti, c’est essentiellement pour les raisons suivantes :
• L’embargo décrété contre le Qatar n’a pas réussi à le faire fléchir. Au contraire, même s’ il a été onéreux pour les finances qataries, il a donné l’occasion à Doha de montrer sa résilience, de renforcer son autonomie par rapport à ses voisins et de donner une forte légitimité à l’émir Tamim au sein de sa population.
• Le prince héritier saoudien, dont l’image internationale a souffert de l’affaire Khashoggi et de la guerre au Yémen, est en outre amené par l’échec du président Trump aux élections à faire des gestes d’ouverture à l’égard de la future administration Biden : sur le dossier yéménite et en matière de droits de l’Homme, mais aussi en montrant sa capacité à rassembler à nouveau la famille du Golfe autour de l’Arabie.
Cette importante avancée ne signifie pas pour autant une réconciliation totale sans arrière-pensée. Elle est le début d’un processus de négociation élargi, car des divergences diplomatiques de fond subsistent – en particulier s’agissant de la relation privilégiée du Qatar avec la Turquie d’Erdogan – et il faudra un certain temps pour cicatriser les plaies ouvertes par cette crise. Mais les dirigeants se reparlent, ce qui devrait atténuer le mur de défiance qui s’était malheureusement élevé entre les capitales du Golfe.
La France, amie de tous les Etats du CCEAG, ne peut que se réjouir du succès de cette médiation, à laquelle elle a d’ailleurs contribué.