Le plan an vaccinal c’est tellement simple à décrire : il suffit d’injecter le bon vaccin, au bon endroit, à la bonne température, par la bonne personne au bon patient ! Tout l’art de la logistique apparaît, entre cette phrase simple et la mise en oeuvre complexe de cet objectif. Force est de constater qu’après le retard des masques, des tests, du traçage des cas contacts, nous sommes encore en retard sur la vaccination.
Et pourtant dès le 24 mars 2020 j’alertais le gouvernement pour qu’il se dote d’un expert en logistique dans le cadre de cette crise. C’est seulement en novembre 2020 que le gouvernement créera finalement une task-force pour le plan vaccinal, dont le patron sera débarqué 2 mois plus tard. Loin de critiquer en cette période j’espère et je retrouve confiance avec l’arrivée, inéluctable, de l’expertise de cabinets privés pour que nous puissions tenir autant que possible les objectifs, qui rappelons-le, sauveront des vies, nous permettront de retrouver une vie sociale normale, de relancer l’économie. Cependant ne nous trompons pas, aucun retard pris ne sera entièrement comblé. Alors quel est le problème de fond de ces échecs visibles, de la situation plus profonde d’une France classée 16ème mondial en performance logistique ? La réponse : la logistique encore et toujours n’a pas été associée à la conception de la stratégie ! Pourtant au cours de l’année écoulée, elle a fait la démonstration qu’elle était une fonction vitale pour les activités de survie, grâce à une agilité de ses opérateurs : approvisionnement des lieux de soin et des magasins en produits de première nécessité, traitement des déchets, transport en général…
Ce sont les « premiers de corvée », maillons anonymes de la chaine logistique (manutentionnaires, chauffeurs, caissier( e)es, éboueurs, logisticiens de terrain…), qui ont assuré, à côté du personnel soignant, le maintien à flot du pays. Même si cette pandémie était imprévisible, de nombreux pays, comme la France, ont souffert d’un défaut d’anticipation, tant au niveau sanitaire qu’au niveau logistique. Pourtant, ce n’était pas inéluctable comme le montre la situation de nombreux pays comme le Japon, Singapour ou l’Allemagne, dont le bilan est moins dramatique. Ce sont des pays mieux positionnés dans la hiérarchie logistique mondiale, où l’anticipation est mieux intégrée par les gouvernements. On le comprendra donc, les 3 moteurs d’une performance logistique, sont bien l’anticipation, l’agilité, et la coopération sur toute la chaîne, la Supply-chain. Le carburant de ces moteurs ce sont les données, les datas. Plus il y en a, de qualité, traités aussi vite que possible, plus on pourra anticiper, revoir ce qui était prévu et assurer la coopération de toutes les parties prenantes : la logistique c’est le pilotage des flux physiques et des flux financiers par les flux d’informations. Cette pandémie aura donc révélé l’importance économique et sociétale de la logistique et la conscience de ses lacunes en France. On l’aura compris elle nécessite une vision et une approche stratégique inédites et partagées par les acteurs publics et privés.
Or, la logistique reste une activité trop marginalisée au niveau de l’appareil d’Etat et des décideurs publics: elle ne donne lieu ni à une vision globale, ni à une démarche stratégique, et n’est connectée à aucune stratégie industrielle ou d’aménagement du territoire. Le rejet de la planification logistique publique est un non-sens, alors même que les entreprises en font un fondement de leurs stratégies. Elle n’a pas de ministre de tutelle dédié et n’est pas traité de façon cohérente au sein de l’appareil de l’Etat, tour à tour filière économique importante (10% du PIB), support opérationnel pour certains ministères et même vue comme secondaire depuis le ministère des transports. Notre sous-performance en matière logistique générerait entre 20 et 60 milliards d’euros de surcoûts. C’est autant à gagner pour notre système économique si nous savons hisser la France dans le top 5 mondial.
Une telle situation n’est aujourd’hui plus admissible. Il est indispensable d’avoir une véritable politique d’État, articulée avec les régions et les acteurs professionnels, intégrant les objectifs stratégiques des politiques publiques : sécurité et protection, transition écologique, industrie, aménagement du territoire, performances des acteurs économiques, …. Pour que la France retrouve une souveraineté dans ces domaines régaliens, une performance dans son modèle de développement, la logistique doit être prise en compte au plus haut niveau de l’Etat, avec une gouvernance et des moyens adéquats. La feuille de route est connue, elle a été présentée en mars 2016 en Conseil des Ministres, France Logistique 2025.
Aux vues de la crise, elle nécessite une mise en oeuvre plus ambitieuse encore, avec une nouvelle organisation, de nouvelles procédures, des compétences renforcées, des règles clarifiées entre les différentes parties prenantes et un investissement majeur dans la performance de l’information du producteur jusqu’à l’utilisateur final. Ce sera l’un des grands enjeux à venir, cela exige que la logistique soit attribuée à un membre du gouvernement, rattaché au Premier Ministre.