Yann, vous êtes philosophe, militant associatif et rabbin. Vous racontez dans votre ouvrage que vous vous êtes converti au judaïsme. Comment comprendre votre parcours ?
YB — Cela fait partie de l’aventure humaine en général de se découvrir progressivement. L’identité n’est pas quelque chose de figé et ouvre de nombreuses perspectives. A notre époque, dans notre société, on peut avoir un parcours d’enrichissement qui fasse entendre les autres possibilités de soi-même. Contrairement à ce que martèlent certaines obsessions identitaires, l’identité est souple ; elle est aussi une histoire de rencontres.
Le titre de votre ouvrage, « Heureux comme un juif en France », est fort et paraît à contre-courant de la perception du grand public en France. Qu’avez-vous souhaité dire ?
YB — Nous vivons une crise spirituelle majeure, dont l’une des manifestations les plus fortes est un cruel manque de confiance et de bienveillance. Nous sommes atteint du syndrome de l’hyper-critique. Nous sommes devenus incapables de voir nos propres forces, de célébrer nos talents, et de se réjouir de nos efforts pour oeuvrer au bien commun. Sans être naïf, c’est une vision plus équilibrée de notre force collective que j’ai souhaité rappeler.
Que pensez-vous du fait que, dans une enquête parue récemment pour la revue « Le Droit de vivre » et la Licra, l’Ifop nous dit que plus d’un lycéen sur deux (52 %) se dit favorable au port de signes religieux ostensibles dans les lycées publics et 49 % ne voient pas d’inconvénient à ce que les agents publics affichent leurs convictions religieuses ?
YB — Cela témoigne plutôt d’une laïcité mal comprise, parce que, sans doute, on l’a mal enseignée. La laïcité est la chance de pouvoir vivre en commun en dépassant ses conceptions personnelles pour aménager un espace à l’autre et mieux affirmer sa vision finalement. Cela nécessite un pas de côté. A l’école, il est important de laisser développer des citoyens en formation jusqu’à 18 ans en se positionnant en dehors des influences familiales, c’est primordial pour la construction de l’individu et du citoyen.
Vous dirigez les associations Les Voix de la Paix : pourriez-vous nous en dire davantage sur vos projets ?
YB — Dans une culture française marquée par une laïcité de combat, il est important que les savoirs religieux et non religieux puissent dialoguer, le tout dans le cadre de la République et de la laïcité. L’objectif est de réconcilier nos héritages communs, pour mieux s’enrichir dans la situation difficile que nous traversons. Et puis de mettre en scène nos efforts collectifs vers le bien commun, de travailler notre confiance et notre bienveillance collectivement pour avancer. Nous sommes en manque de mémoire, de lien et de sens : tous les événements des Voix de la paix cherchent à restaurer ces liens au bénéfice du bien commun, dans les entreprises, les lieux publics ou au cours d’événements dédiés