Prochaine visite dans le Golfe du Président de la République

19.03.2021 - Éditorial

La visite qu’effectuera dans les semaines à venir le Président de la République dans le Golfe est une tournée à caractère essentiellement politique, mais elle sera aussi l’occasion de donner un nouvel élan à notre coopération avec ces pays.

1 / Face à une nouvelle donne au Moyen-Orient du fait de l’arrivée à la Maison Blanche du président Biden – qui souhaite restaurer un dialogue avec Téhéran pour tenter de rétablir l’accord nucléaire et si possible le compléter ; mais aussi de favoriser une solution négociée au conflit au Yémen et enfin de reprendre langue avec les Palestiniens – il est normal que la France se concerte avec ses alliés du Golfe afin d’écouter leurs points de vue et d’envisager des actions communes visant à stabiliser cette région stratégique. Les sujets ne manquent pas, qu’il s’agisse en particulier de l’Iran, de l’Irak, du Liban et du Yémen. Washington et Téhéran espèrent en effet parvenir à un arrangement, mais la discussion est difficile car les positions de départ sont très éloignées. Chaque partie pense que c’est à l’autre de faire le premier pas et les Iraniens – surtout intéressés par la reprise de leurs exportations pétrolières et le déblocage de leurs financements – ne sont guère prêts à accepter des contraintes sur leurs programmes de missiles et de drones ni à renoncer à leurs ambitions régionales.

Les Européens seront néanmoins amenés à jouer un rôle important pour faciliter ces discussions et il est logique, dans cette perspective, de prendre en compte les préoccupations des pays du Golfe. En Irak, la France comme les États du CCEAG souhaitent le renforcement de cet État encore fragile ; et ils peuvent se coordonner pour y parvenir. Au Yémen, les Houthis tentent actuellement de prendre des gages territoriaux et de faire pression sur l’Arabie par des attaques de missiles et de drones, afin de renforcer leur main dans une future négociation. La réconciliation en cours entre les pays du Golfe devrait permettre au CCEAG de retrouver un rôle collectif pour contribuer à faire émerger une issue honorable à cette guerre qui n’a que trop duré. Au Liban, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis notamment sont réticents à venir en aide à un pays sans gouvernement et où le Hezbollah conserve une influence prédominante. Il est donc important que les Etats du Golfe s’associent à nos efforts pour exiger qu’un gouvernement soit formé sans délai à Beyrouth, afin de réaliser les réformes indispensables pour sortir le pays du gouffre où il s’enlise.

2 / La visite du Président de la République dans les États du CCEAG constituera par ailleurs un message clair du souhait de la France de donner un nouvel élan à sa coopération avec ces pays. En effet, cette région demeure un marché porteur et solvable pour nos entreprises, d’autant plus que les réformes économiques et sociales en cours ouvrent de nouvelles opportunités de partenariat. Outre les domaines traditionnels comme l’énergie, les transports, l’eau ou la sécurité, de nouveaux secteurs se développent, notamment dans les énergies nouvelles, l’environnement, l’urbanisme, le tourisme, la culture, la santé et la formation. La France dispose de pôles d’excellence qui peuvent apporter leur contribution dans des joint ventures ou des Partenariats Publics Privés, conformément au souhait de ces pays.

De même, les fonds souverains du Golfe peuvent être intéressés à investir dans des projets en France, permettant de diversifier leurs placements à l’étranger. La visite du Président de la République sera donc l’occasion d’évoquer les dossiers prioritaires de coopération et de s’organiser pour assurer un suivi de ces projets. Après une période de flottement liée à la crise sanitaire et à la chute des cours du brut, de nouvelles perspectives apparaissent aujourd’hui justifiant – tant sur les plans politique qu’économique – une concertation avec nos alliés du Golfe pour tenter à la fois de stabiliser cette région et de renforcer notre partenariat stratégique avec ces pays

Bertrand Besancenot
Bertrand Besancenot est Senior Advisor au sein d’ESL Rivington. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen-Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie Saoudite en 2007. En février 2017, il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen-Orient.