Au lendemain de la présentation du nouveau modèle de développement économique et social, les dernières élections générales (législatives, communales et régionales) au Maroc ont été marquées par un fort taux de participation. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs : la forte mobilisation des partis politiques pour inscrire la population sur les listes électorales, la tenue le même jour des trois élections, le changement de jour de vote du mercredi au vendredi et enfin la vague de mécontentement général appelant à se rendre aux urnes. Ce taux de participation, supérieur à 50 %, est à saluer dans un contexte marqué par la Covid-19 et de nombreuses restrictions qui ne favorisaient pas, a priori, un fort taux d’engagement électoral.
Ces élections ont déjoué tous les pronostics, bien qu’il soit impossible au Maroc d’effectuer des sondages professionnels. Le RNI de Aziz Akhannouch est sorti triomphant des urnes, suite à un long travail de terrain, et notamment le succès de la campagne « 100 villes, 100 jours ». Le PAM, réalisant son autocritique et se détachant de l’administration, a maintenu son score. Et le Parti de l’Istiqlal, dont a hérité le brillant techno-militant Nizar Baraka, a réussi une « remontanda » à la marocaine après plusieurs années sombres sous le mandat de Hamid Chabat. Le fait le plus marquant de ces élections n’est pas la victoire éclatante de Aziz Akhannouch mais bel et bien la chute libre – voire même la mise à mort politique – du Parti de la Justice et du Développement. Une chute de 90 % les reléguant à la dernière place, alors que tous les observateurs annonçaient un coude à coude entre le RNI et le PJD. La défaite cuisante du PJD peut s’expliquer par plusieurs facteurs : le vote PJD pouvait être considéré en 2011 comme en 2016 pour un « vote Benkirane », alors chef du PJD puis du Gouvernement, et dont la popularité était inédite dans l’Histoire politique moderne au Maroc. Plusieurs électeurs s’identifiaient davantage à la personnalité de Abdelilah Benkirane, très proche des Marocains, qu’à l’idéologie du PJD. Nous pouvons surtout associer la chute du PJD à un vote sanction de la part des Marocains, mécontents de la situation socio-économique mais également de la gestion par le PJD de la pandémie de la Covid-19. Enfin, nous pouvons aussi expliquer cette défaite par la perte du PJD de sa « base militante », qui était d’habitude fortement mobilisée lors des échéances électorales, et qui reproche au leadership du Parti de trop grandes compromissions avec le « Makhzen », notamment la normalisation avec Israël ou encore la légalisation du cannabis, deux décisions qui ont provoqué de fortes divisions internes au sein du PJD.
Le choix des alliances pour Aziz Akhannouch est multiple et simple, tant de nombreux partis libéraux et progressistes souhaitent participer à la prochaine expérience gouvernementale. Il se pourrait que la prochaine architecture et composition gouvernementale soit dévoilée en milieu de semaine prochaine, et que le gouvernement puisse s’atteler dès la rentrée parlementaire aux grandes urgences économiques et sanitaires liées à la pandémie de la Covid-19, et notamment la mise en oeuvre du plan de relance économique. Une expérience qui pourrait ressembler au gouvernement de Driss Jettou, qui avait érigé les principes de modernisation des politiques publiques et de l’efficacité de l’action publique en principe de gouvernance, et qui reste dans les souvenirs des Marocains comme un modèle de gestion publique. Nous pourrions nous diriger vers une expérience similaire, avec une présence en force de compétences et de jeunes dirigeants, travaillant sous la houlette d’un chef de gouvernement disposant de larges marges de manoeuvre et pouvant mettre en oeuvre des stratégies cohérentes et homogènes.
En 2011, l’Egypte, la Tunisie et le Maroc avaient vécu l’arrivée « aux affaires » des islamistes. L’Egypte a délogé Mohamed Morsi par la force du maréchal Al Sissi. La Tunisie a congédié les islamistes d’Ennahda par un « coup d’Etat démocratique » de l’énigmatique Président Kais Saied. Et le Maroc a vaincu l’islamisme par la volonté populaire, ouvrant ainsi la voie à la seconde phase du règne de Sa Majesté Mohammed VI, et disposant d’un gouvernement à même de mettre en oeuvre un nouveau modèle économique et social, répondant aux aspirations de justice sociale, d’une meilleure éducation et santé, et d’une meilleure équité territoriale pour le peuple marocain