L’administration Biden paraît satisfaite des résultats de sa politique à l’égard de l’Arabie Saoudite : Riyad a accru ses efforts pour parvenir à une solution du conflit au Yémen, est resté discret sur les négociations 5+1 avec l’Iran et a même entamé des discussions pour apaiser les tensions avec Téhéran, a libéré plusieurs activistes des droits de la femme en Arabie et a tempéré ses pressions sur ses opposants extérieurs.
En revanche, les Saoudiens sont moins satisfaits, car ils ont le sentiment que l’administration Biden a empoché leurs gestes sans donner grand-chose en retour. Ils estiment que leur principal partenaire stratégique paraît ne pas voir – et encore moins se féliciter – des changements rapides que le prince héritier a engagés pour réformer l’économie et la société saoudienne.
La déception est certes une donnée fréquente dans les relations bilatérales entre pays, mais la question se pose si l’Arabie Saoudite va interpréter ce « désintérêt » américain comme une nouvelle donne et agir en conséquence.
Riyad est en effet conscient des réserves américaines sur la gestion du royaume par MBS (affaire Khashoggi, droits de l’homme, guerre au Yémen, autoritarisme et impulsivité) et en conséquence, sur l’absence de soutien de l’administration Biden à sa personne.
Le royaume a d’ailleurs pris certaines mesures pour signifier à Washington qu’il pouvait y avoir d’autres options : signature d’un accord de coopération militaire avec la Russie, discussion avec la Chine pour une nouvelle phase de privatisation de l’ARAMCO, souhait de rehausser la relation avec des partenaires traditionnels comme le Royaume-Uni et la France, etc.
Toutefois tant les Etats-Unis que l’Arabie Saoudite tiennent à préserver leur partenariat stratégique pour les principales raisons suivantes : le lobby militaro-industriel américain ne veut pas perdre le juteux marché saoudien ; les Saoudiens ont toujours besoin – face à l’Iran – d’une protection sécuritaire américaine ; les Etats-Unis ont encore besoin du rôle modérateur saoudien sur le marché pétrolier ; l’Arabie est un acteur majeur au Moyen Orient et au-delà ; sa déstabilisation éventuelle serait dangereuse pour tout le monde, y compris pour les intérêts américains ; et le prince héritier est sérieux dans sa volonté de moderniser le royaume – d’où sa popularité incontestable au sein de la jeunesse saoudienne.
Tous ces différents facteurs prêchent donc pour une coopération renouvelée – sans doute moins exclusive – entre les deux partenaires, sur la base d’intérêts réciproques bien compris.