Un nouveau gouvernement vient de s’installer, dans un contexte politique qui a vu les équilibres chamboulés. Il y a fort à parier, du moins peut-on l’espérer, que le thème de la transition démographique et du vieillissement, largement ignoré au cours de la campagne électorale, revienne en force. En effet, il est grand temps de remettre à sa juste place cette oubliée du discours et de l’action publique qu’est la « maison de retraite ».
Une récente étude menée par l’Ifop montre que les Français sont 72% à se réjouir de leur futur départ à la retraite. Pour autant, ils n’anticipent que peu les conséquences possibles du grand-âge au cours de cette retraite. 92% n’envisagent pas de vieillir hors de leur domicile et, même parmi les personnes de plus de 75 ans, ils ne sont que 14% à avoir entrepris des démarches pour identifier des solutions alternatives alors qu’ils sont 38% à considérer comme probable qu’il soit impossible de vieillir « chez eux ».
Comment expliquer ce déni collectif ? De plus en plus tourné vers l’accueil des personnes à la fin de leur vie ou souffrant de troubles du comportement, l’Ehpad apparaît comme une solution subie voire honnie au regard des événements récents. Faute d’alternative à l’Ehpad, les Français plébiscitent le domicile familial.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les personnes « âgées » partaient tranquillement en maison de retraite, bien conscientes des risques en termes d’isolement, d’accompagnement ou de vie quotidienne que représentait pour elles le fait de rester seules dans « leur » logement.
Aujourd’hui, 110 000 Français modestes vivent dans des résidences collectives, appelées résidences autonomie. Ils devraient être 160 000 dans 20 ans. Soit 45% de plus. Et à considérer la stabilisation du niveau de vie des retraités, la persistance d’une image dégradée des Ehpad et la poursuite de leur spécialisation vers l’accueil de publics contraints, ce nombre pourrait bien atteindre 200 000. 200 000 Français âgés vivant dans ces nouvelles « maisons de retraite » où ils auront choisi d’habiter et non où ils seront contraints de se faire héberger.
Reste à savoir comment réaliser en vingt ans le doublement nécessaire de ces nouvelles « maisons de retraite » ?
D’abord, il faut libérer les initiatives en permettant de créer librement, sur simple autorisation des départements, ces résidences. La loi 3DS du 21 février 2022 le prévoit. Il est nécessaire que les opérateurs redéfinissent ces résidences en faisant évoluer les espaces communs, les profils des personnels y travaillant et les paniers de prestations proposées. Le coût pour les finances publiques est nul.
Ensuite, ces résidences devront intégrer dans leurs prestations obligatoires l’accès à un vrai service de « care management » pouvant aller jusqu’au suivi des données médicales par des professionnels de santé via des outils de télésurveillance et télédiagnostic. C’est la condition pour réduire très significativement les hospitalisations d’urgence et les conséquences de pathologies non détectées.
Par ailleurs, il serait nécessaire d’augmenter les montants du « Plan d’Aide à l’Investissement » (PAI) destiné à aider les propriétaires de ces maisons de retraite à financer leur remise à niveau. Les exploitants, seuls, ne peuvent pas supporter cette remise à niveau si ces maisons doivent continuer à pratiquer des tarifs modestes.
Enfin, il faut supprimer la limitation du nombre de personnes – considérées comme assez ou fortement – dépendantes pouvant être accueillies dans ces résidences autonomie. Cette règle incite à faire partir des résidents devenus certes dépendants mais qui peuvent – avec un accompagnement approprié – rester dans leur appartement en maison de retraite pour les envoyer en Ehpad.
Le renouveau de la maison de retraite ainsi engagé constituerait une réponse simple et efficace aux besoins des personnes âgées confrontées aux risques du grand âge. Simple parce qu’adossé à des équipements médico-sociaux connus. Efficace parce qu’offrant, dans des vraies solutions d’habitat durable, une alternative à l’Ehpad pour l’immense majorité des Français très âgés. Ce serait une très bonne entrée en matière pour un quinquennat qui ne pourra faire l’économie d’une réflexion de fond sur le vieillissement de la France.