Le président Xi Jinping a effectué la semaine dernière une visite de trois jours à Riyad, au cours de laquelle il a eu un sommet bilatéral avec les Saoudiens, puis a rencontré les dirigeants du Conseil de Coopération des Etats Arabes du Golfe et enfin un « sommet sino-arabe » élargi à certains pays de la Ligue Arabe : Mauritanie, Tunisie, Djibouti, Somalie, Comores, Egypte, Irak.
Le Président chinois a reçu un accueil royal, y compris de la part de la presse locale qui s’est répandue sur l’intérêt de la coopération avec la Chine, un partenaire essentiel de l’Arabie et du monde arabe et qui ne donnait pas de leçons de morale, contrairement aux Etats-Unis et à l’Occident en général.
Ce voyage était en réalité centré sur l’énergie et l’économie, avec la signature de contrats d’un montant global évalué à 28 Mds d’euros dans les domaines de l’hydrogène, de la pétrochimie, des technologies de l’information, du cloud computing, des transports et de la construction (sans plus de précision). En fait, la Chine est déjà le premier partenaire commercial de l’Arabie Saoudite, avec un volume d’échanges bilatéraux qui excède les 80 Mds de dollars. Les Chinois sont impliqués dans de multiples chantiers d’infrastructures et leurs investissements en Arabie Saoudite sont estimés à 106,5 Mds de dollars au cours des vingt dernières années. Riyad est par ailleurs le premier fournisseur de pétrole de Pékin, qui lui a acheté 17% de sa consommation de brut l’année dernière.
Sur le plan politique, cette visite était un signal diplomatique de convergence entre les deux pays avec la signature d’un accord de partenariat stratégique, mais aussi un message clair à l’administration Biden : Riyad n’est pas concerné par la polarisation entre Washington et Pékin et souhaite maintenir des relations privilégiées avec les deux pays (et d’autres), en fonction de ses intérêts nationaux. Comme l’a écrit un porte-parole officieux, « la région est en quête de stabilité, d’investissements, de développement, de diversité, d’ouverture à tous, et non pas de positionnement dans une tranchée aux dépens d’un autre camp ».
La visite du Président chinois a en outre conforté la place internationale de l’Arabie Saoudite et de son prince héritier, en présentant le royaume comme un acteur mondial autonome et courtisé, dialoguant avec tout le monde. Le ministre saoudien des Affaires étrangères a d’ailleurs, dans la foulée, profité de la « World Policy Conference » qui s’est tenue à Abou Dabi pour préciser les orientations nouvelles de la diplomatie de Riyad :
– L’Arabie et le CCEAG s’emploient à bâtir des ponts entre l’Orient et l’Occident ;
– Le royaume entend renforcer sa coopération avec son plus grand partenaire commercial, la Chine ;
– Le dialogue est le meilleur moyen pour régler les problèmes complexes et difficiles d’aujourd’hui ;
– La politique étrangère de Riyad est mue par sa volonté de bâtir une prospérité durable pour le peuple saoudien ;
– S’agissant des cours du pétrole, l’Arabie et l’Opep + ont une politique claire et permanente de préserver les marchés stables, car à défaut, les producteurs cesseront d’investir ;
– Les relations saoudo-russes sont solides, en particulier dans le cadre de l’Opep + ;
– Dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’Arabie se considère comme un médiateur, et elle a contribué à la libération de prisonniers ;
– Les relations avec les Etats-Unis sont importantes car Washington joue un rôle essentiel sur le plan sécuritaire. Riyad veut coopérer avec toutes les administrations et développer un vrai dialogue stratégique ;
– Si on ne parvient pas à un accord nucléaire avec l’Iran donnant des garanties sérieuses, la région s’engagerait dans une période complexe et dangereuse qu’il faut éviter ;
– L’Europe demeure l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Arabie et du Golfe et Riyad l’appelle à une interaction plus importante dans la région.
Sur le fond, le royaume est conscient que son rapprochement avec Pékin est regardé avec préoccupation par les Etats-Unis, son partenaire historique au Moyen Orient. Mais les Etats-Unis ont besoin de Riyad pour l’action antiterroriste, son rôle dans le monde musulman et ses contrats juteux. En sens inverse, les Saoudiens ne peuvent pas se passer du parapluie militaire américain face à la menace iranienne et savent que ce n’est pas la Chine qui viendra les défendre.
Riyad dosera donc sa coopération avec Pékin de manière à ne pas alimenter sa brouille avec l’administration Biden.