La question de la réhabilitation du régime syrien est apparemment d’actualité : la presse l’évoque régulièrement et nos autorités s’interrogent sur ce point.
En effet, plusieurs pays arabes ont conservé des relations avec le régime de Bachar : le Liban par nécessité, l’Egypte et l’Algérie par choix politique. La Jordanie a repris des contacts en raison du problème des réfugiés syriens sur son territoire, et récemment, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn ont rouvert leur ambassade à Damas, par souci de “realpolitik” : ils souhaitent parler à tout le monde – comme ils le font désormais avec la Turquie et Israël – afin de se préserver d’une confrontation dans la région.
Par ailleurs, il est exact qu’il y a des discussions entre Turcs et Syriens, Ankara pouvant avoir intérêt à ce que les Kurdes syriens retournent dans le giron de Damas plutôt que de rêver à l’indépendance (la hantise des Turcs) .
Même Washington a fait preuve de pragmatisme en acceptant que le gaz égyptien transite par la Syrie pour approvisionner le Liban, afin d’éviter que Beyrouth accepte du pétrole iranien.
Paris a aussi fait quelques petits gestes en renouant avec les services de renseignements syriens (au sujet notamment du retour des djihadistes en France) et en acceptant le vote en France à la présidentielle syrienne de 2021.
De ce fait, certains estiment – voire espèrent – que l’assistance humanitaire aux victimes du séisme en Syrie et en Turquie débouche, à terme, sur une reprise des relations avec le régime de Bachar.
Tous ces éléments signifient-ils, comme l’a dit un journaliste, que “tout bouge autour de la Syrie” ?
La réalité est naturellement plus complexe :
D’abord parce que Bachar el Assad exige que toute assistance humanitaire passe par des contacts avec lui, ce qui pose bien sûr problème.
Ensuite parce que les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et le Qatar ne sont pas prêts à renouer avec le régime syrien. Ainsi, Riyad ne pourrait l’envisager que si Bachar prenait ses distances avec les Iraniens, mais le veut-il ? Et surtout, le peut-il sans risquer l’avenir de son régime ?
Sur le plan politique, il est légitime de ne pas vouloir renouer avec un dirigeant dont on souhaite par ailleurs qu’il soit jugé pour ses crimes.
Il est aussi normal de s’interroger sur l’intérêt qu’il y aurait à « revenir à petits pas » en Syrie : le pays est en morceaux et son avenir est pour le moins incertain. Ses deux alliés – la Russie et l’Iran – connaissent des difficultés considérables et leur politique ne converge guère avec nos objectifs. Enfin, l’intérêt économique à participer à la “reconstruction” d’un pays en ruine est tout-à-fait discutable.
Dans ces conditions, il n’est pas évident que la réhabilitation du régime de Bachar el Assad soit vraiment “en route” , contrairement aux affirmations de ceux qui y ont peut-être intérêt.