Plusieurs médias internationaux ont fait état d’un rétablissement des relations diplomatiques entre Riyad et Damas, y voyant un nouveau signe d’un “redessinage” de la carte moyen-orientale.
Cette présentation a conduit le ministère saoudien des Affaires étrangères à effectuer une mise au point, en précisant que “des discussions sont en cours pour une reprise des relations consulaires entre les deux pays, car un dialogue est nécessaire à un certain point, au moins en ce qui concerne l’aspect humanitaire”.
Cette réaction officielle immédiate montre que les autorités de Riyad veulent éviter une interprétation erronée de leur mouvement. Il est clair en effet qu’après le tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie – et qui a amené l’Arabie Saoudite à envoyer dans ces deux pays une aide humanitaire – le rétablissement de services consulaires permettra de faciliter l’assistance aux victimes. Mais il est inévitable qu’après l’annonce récente d’un rétablissement prochain des relations diplomatiques entre Riyad et Téhéran, certains aient voulu voir dans le geste saoudien envers Damas la confirmation d’un mouvement politique général d’apaisement des tensions au Moyen Orient. Et cela d’autant plus que le ministre saoudien des Affaires étrangères avait déclaré le 19 février dernier “qu’un consensus émergeait entre pays arabes pour estimer que l’isolement de la Syrie n’était pas praticable”. Il avait ajouté le 8 mars “qu’un engagement avec la Syrie pourrait éventuellement mener à son retour au sein de la Ligue Arabe, mais qu’à ce stade il était prématuré d’en parler”.
Que peut-on en conclure ?
L’Arabie Saoudite s’est toujours considérée comme un leader du monde arabe et entend affirmer ce rôle dans la période présente. Elle prend acte que plusieurs pays arabes ont maintenu ou renoué les relations avec le régime de Damas, et parmi eux des États proches du royaume : Egypte, Jordanie, Émirats Arabes Unis, Bahreïn. Elle constate aussi que le régime de Bachar el Assad a réussi à se maintenir au pouvoir grâce à l’aide de la Russie et de l’Iran et que l’opposition syrienne – qu’elle a soutenu – n’est plus guère opérationnelle.
Dans ces conditions, le réalisme amène à envisager de reprendre contact avec le régime syrien, mais pas à n’importe quelle condition. L’Arabie saoudite se veut en effet “rassembleuse” du monde arabe et c’est à ce titre qu’elle conteste l’ingérence de l’Iran dans plusieurs pays de la région (Irak, Syrie, Liban, Yémen). La reprise des relations consulaires avec Damas devrait donc permettre d’établir des contacts officieux pour discuter des conditions d’une reprise des relations diplomatiques et du retour de la Syrie au sein de la Ligue Arabe. Mais il est clair que Riyad insistera pour une réduction de l’influence iranienne en Syrie. Est-ce que le président Assad est prêt à l’envisager sérieusement ? On peut en douter. Du côté saoudien on a – à juste titre – des interrogations sur la fiabilité des engagements de Bachar el Assad.
La route vers une normalisation des relations saoudo-syriennes risque donc de ne pas être aisée, d’autant plus que d’importants alliés de Riyad – à commencer par Washington – sont toujours très réservés à l’idée d’une reconnaissance du régime syrien.