Le prince héritier saoudien a accordé dans la nuit du 20 septembre un entretien exclusif à Fox News, dont on peut retenir deux éléments majeurs.
La normalisation saoudo-israélienne
« On s’en rapproche tous les jours », a-t-il déclaré. Si un accord pour établir des relations diplomatiques n’est pas encore en vue, MBS a nié les rumeurs faisant état d’un arrêt des discussions. Le dossier reste en effet en tête des priorités de l’administration Biden avant l’élection présidentielle américaine de novembre 2024, ainsi que de Netanyahou qui marquerait ainsi une victoire diplomatique incontestable.
Courtisée, l’Arabie Saoudite entend obtenir des concessions, y compris sur le dossier palestinien : « Pour nous, la question palestinienne est très importante. Nous devons la résoudre. Et les négociations se poursuivent bien jusqu’à présent », a déclaré le prince.
De fait, les bruits courent depuis des mois sur une prochaine normalisation israélo-saoudienne. Chaque partie a mis ses conditions sur la table afin de pouvoir obtenir le meilleur accord qui, s’il est trouvé, pourrait changer la face du Moyen-Orient.
Les Saoudiens souhaiteraient obtenir des garanties sécuritaires de Washington, son assistance dans l’établissement d’un programme nucléaire civil, ainsi que des avancées sur la cause palestinienne.
De leur côté, les Américains chercheraient à limiter l’influence de la Chine et de la Russie dans la région, ainsi qu’à mettre un terme au conflit yéménite.
Tandis que les Israéliens escomptent surtout obtenir la reconnaissance de leur existence par le chef de file de la communauté musulmane sunnite (80 % des Musulmans), sans avoir à trop concéder sur le dossier palestinien.
L’important est que c’est la première fois que le prince héritier s’exprime publiquement dans un entretien télévisé sur la question des négociations en cours autour de la normalisation avec Israël. Et ce pour annoncer – en anglais – que les pourparlers avançaient en ce sens.
La question nucléaire iranienne
« S’ils en obtiennent une, on devra en avoir une aussi » : c’est la réponse qu’a donnée MBS à la question de savoir ce qu’il ferait si l’Iran obtenait l’arme nucléaire, en précisant qu’il s’agissait d’une question d’équilibre stratégique.
Ce message apparaît comme un avertissement au moment où les négociations pour un retour à l’accord nucléaire de 2015 sont au point mort, la date butoir du 18 octobre approchant à grands pas pour la levée des sanctions.
Si la République Islamique a ralenti son rythme d’enrichissement d’uranium ces derniers mois, alors qu’un échange de prisonniers était en négociations avec les États-Unis par l’intermédiaire du Qatar et d’Oman, Téhéran et Washington insistent pour dissocier les deux dossiers.
Aujourd’hui, plus qu’un retour aux conditions prévalant avant le retrait unilatéral de Donald Trump de l’accord de Vienne en 2018, il s’agirait plutôt de préserver le statu quo actuel : l’objectif serait de limiter l’enrichissement de l’uranium à 60 %, ainsi que de geler les attaques des milices pro-iraniennes contre les intérêts américains au Moyen-Orient, voire de limiter les exportations iraniennes d’équipements militaires vers la Russie.
Téhéran obtiendrait en échange une garantie de ne pas se voir imposer des sanctions supplémentaires, tout en bénéficiant d’une certaine marge de manœuvre pour exporter plus de pétrole malgré les sanctions en vigueur. De quoi contribuer à faire baisser les prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux, alors que les baisses de production décidées par l’Arabie Saoudite et la Russie dans le cadre de l’OPEP+ participent actuellement à la poursuite de l’inflation dans le monde.
On le sait, l’une des conditions saoudiennes pour conclure un accord de normalisation avec Israël consiste à obtenir une assistance américaine pour développer un programme nucléaire civil. Jusqu’à présent Riyad a toujours nié avoir une ambition militaire et le prince a rappelé qu’il était défavorable à une prolifération nucléaire.
Toutefois, dans l’hypothèse où l’Iran accédait à l’arme, la perspective d’une course nucléaire au Moyen-Orient inquiète réellement les États-Unis et surtout Israël, qui ne bénéficierait alors plus d’avantage militaire qualitatif dans la région. Afin d’avancer dans l’accord de normalisation avec Israël, Washington tente donc de proposer des solutions comportant des restrictions claires pour contenir le risque d’une militarisation, comme par exemple l’interdiction d’enrichir de l’uranium directement sur le sol saoudien, une condition qui représente encore un point de contentieux essentiel, le royaume refusant pour le moment d’accepter une telle clause.
Cette interview de MBS a le mérite de clarifier la position saoudienne sur deux sujets-clé pour la stabilisation du Moyen-Orient : la normalisation entre Israël et le royaume et la question du nucléaire iranien.
Le prince a expliqué franchement la vision pragmatique de son pays : l’Arabie Saoudite est favorable à un apaisement des tensions dans la région et a fait des gestes en ce sens, en particulier le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran et la Syrie et une ouverture envers une normalisation avec Israël. Des négociations sont en cours, d’un côté avec les Houthis sur le conflit au Yémen, de l’autre avec les Américains sur leur relation bilatérale en matière de sécurité et sur la question israélo-palestinienne.
MBS reconnaît que les discussions avancent, mais il a énoncé clairement les conditions saoudiennes. Il souhaite sincèrement que ces pourparlers aboutissent car un accord « faciliterait la vie des Palestiniens et permettrait à Israël de jouer son rôle au Moyen-Orient ». Ils devraient par ailleurs donner au royaume des garanties américaines de sécurité renforcées et – c’est peut-être le plus important pour Riyad – créeraient l’atmosphère nécessaire pour inciter les investisseurs internationaux à s’engager pleinement dans la mise en œuvre des grands projets de la « Vision 2030 » saoudienne.
La réaction négative de Téhéran à la perspective d’une normalisation israélo-saoudienne ne s’est pas fait attendre.
Le plus important désormais est de voir ce que Joe Biden et Benjamin Netanyahou pourront délivrer sur les demandes saoudiennes, qui en fait conditionnent tout accord éventuel dans la région.