Riyad a organisé le week-end dernier une double conférence de la Ligue Arabe et de l’Organisation de la Coopération Islamique sur la guerre à Gaza. L’objectif est clair : rassembler la famille arabe et islamique pour tenter de peser sur la sortie de crise et un futur arrangement éventuel dans le conflit israélo-palestinien.
En effet, si la « rue arabe » a rapidement exprimé son indignation devant l’importance des pertes civiles palestiniennes, les gouvernements arabes ont donné l’impression de s’accommoder implicitement d’une mise au pas du Hamas, soutenu essentiellement par l’Iran. Il était donc nécessaire que les capitales arabes, face à la durée de la crise, reprennent l’initiative et se réapproprient la « cause sacrée arabe ».
Certes, la réunion de Riyad n’a pas débouché sur des actions concrètes, étant donné les divergences persistantes entre pays membres tant de la Ligue Arabe que de l’OIC. Les demandes de rupture des relations diplomatiques et économiques avec Israël n’ont en particulier pas été retenues.
Le communiqué final de la rencontre met cependant en exergue les points de convergence suivants : la demande d’un cessez-le-feu immédiat, la fourniture d’une assistance humanitaire aux Gazaouis et le rappel de la nécessité d’une solution politique au conflit israélo-palestinien, sur la base de deux Etats. La seule requête concrète est celle d’une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour entériner ces points.
En réalité l’effort des pays arabes ne s’arrête pas là, puisque le Qatar et l’Egypte sont à la manœuvre sur la question des otages israéliens et que ces deux pays plus l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Jordanie se consultent – en relation avec les Etats-Unis – sur les options envisageables pour la sortie de crise (en particulier l’administration de Gaza et la restauration d’une autorité palestinienne en mesure de négocier avec Israël une solution à deux Etats).
Certes, le gouvernement de Benjamin Netanyahou ne veut envisager – face à la pression internationale croissante – que des pauses humanitaires, tout en poursuivant son objectif d’éradication du Hamas. Mais plus le conflit durera, plus même l’allié américain poussera pour trouver un arrangement permettant de mettre un terme à la violence.
Et c’est dans cette perspective que l’Arabie Saoudite aura clairement un rôle incontournable à jouer. Elle avait en effet, avant la crise de Gaza, montré sa disposition à normaliser ses relations avec Israël, mais à deux conditions : la fourniture de garanties de sécurité américaines face à la menace iranienne et un geste significatif d’Israël en faveur des Palestiniens.
La guerre à Gaza a conduit Riyad à suspendre les négociations avec Israël, mais pas à les rompre. En réalité l’Arabie prend acte du réengagement (temporaire ?) américain au Moyen Orient et du fait que l’administration Biden a obtenu d’Israël l’ouverture d’un corridor humanitaire à Rafah et a aussi empêché jusqu’ici un embrasement général dans la région, en déployant une armada qui a dissuadé le Hezbollah et l’Iran de s’engager massivement dans le conflit. Cela est important pour l’Arabie Saoudite, dont la priorité est de réussir la mise en œuvre de sa « Vision 2030 « en attirant les investisseurs internationaux sur ses grands projets, ce qu’un embrasement de la région empêcherait. Riyad entend donc calmer le jeu et met à profit sa politique de dialogue avec tout le monde – y compris avec l’Iran, la Syrie et les Houthis du Yémen – pour apparaitre comme le pays capable de rassembler la famille arabe et islamique.
Le prince héritier saoudien a condamné fermement la poursuite de l’opération israélienne à Gaza, a accueilli le président iranien dans le cadre de l’OCI et a réitéré le soutien du royaume à la cause palestinienne. Il se positionne ainsi aux yeux de Washington comme une sorte de médiateur et un partenaire incontournable pour sortir de la crise , au moment où les Etats-Unis apparaissent à nouveau comme l’acteur principal dans la région . En effet, si la Russie bénéficie d’une certaine marginalisation de sa guerre en Ukraine dans l’opinion publique internationale, elle n’a pas de rôle actif dans les efforts diplomatiques en cours à Gaza, pas plus que la Chine, la Turquie ou – malheureusement – l’Europe.
Riyad prend en réalité acte de la détermination du président Biden dans cette crise et se pose donc en porte-parole du monde arabo-musulman vis-à-vis de Washington pour tenter de stabiliser la situation.
Il est naturellement trop tôt pour prévoir l’issue du conflit en cours, mais d’ores et déjà le Royaume et ses alliés du Golfe apparaissent les mieux placés pour reconstruire Gaza, contribuer à la gestion de l’après-crise et rechercher une solution durable au conflit israélo-palestinien. La guerre à Gaza aura donc permis à MBS de jouer sa carte d’acteur autonome dialoguant avec toutes les parties et œuvrant à la stabilisation du Moyen-Orient.