Quels sont les facteurs qui ont permis à l’économie ukrainienne de se montrer aussi résiliente malgré le contexte de guerre ?
L’économie ukrainienne endure depuis 2022 un choc économique de grande ampleur : -30% de PIB, 6 millions de réfugiés hors du pays, presque 4 millions de déplacés internes, et des dégâts considérables en termes d’actifs détruits. En termes d’impact, l’Ukraine s’est avérée très résiliente pour deux facteurs principaux.
Le premier est lié à la résistance des entreprises et des infrastructures publiques, qui sont une des forces de l’économie ukrainienne. On peut citer l’exemple des chemins de fer, réparés au fil des frappes pour garantir un service essentiel à la population. De même, l’agriculture tient bon, bien que les surfaces arables et les accès commerciaux – verrou sur la mer Noire – soient de plus en plus limités.
La seconde raison expliquant la résilience ukrainienne est le soutien international massif. Environ 50% des dépenses budgétaires nationales depuis le début du conflit ont été couvertes par l’aide internationale. Environ la moitié correspond à des aides européennes et l’autre moitié en aide américaine. Cet aspect souligne néanmoins une fragilité persistante pour notre pays actuellement, qui reste dépendant de soutiens internationaux, certes conséquents, mais aussi variables au gré des climats politiques locaux. C’est pourquoi nous avons aussi besoin d’investissements privés pour diversifier les sources de financement.
Quels sont les besoins à court terme, et à plus long terme, de l’Ukraine dans le cadre de sa reconstruction ?
Selon une estimation de la Banque mondiale, au 31 décembre 2023, les coûts de la reconstruction s’élèvent à 486 milliards de dollars – et je considère que le chiffre est en réalité plus élevé. Il y a donc un véritable marché, notamment dans les secteurs les plus touchés, qui seront les priorités pour les investissements étrangers futurs : le logement, les transports, le commerce, l’industrie, l’énergie et l’agriculture.
Depuis mars, l’Ukraine connaît chaque jour des attaques de la Russie – plus graves qu’en 2022-2023 – touchant plusieurs de ses infrastructures, notamment énergétiques et en particulier les systèmes de transport d’électricité. Elles engendrent une perte importante de notre capacité de production d’électricité thermique dans la majeure partie du pays.
D’autres attaques sont à l’origine de perturbations de nos chaînes de valeur. Des missiles ont ainsi attaqué des ports qui ont stoppé l’approvisionnement en céréales et en produits agricoles à destination des marchés mondiaux. Or, il s’agit là de l’atout mondial qu’incarne l’Ukraine, en tant que grand exportateur de graines notamment.
Tous ces secteurs sont autant de sources d’opportunités d’investissement pour les entreprises et fonds étrangers, qui en prennent conscience au fur et à mesure. De nombreux acteurs sont déjà présents dans le pays pour participer à la reconstruction de notre pays.
Pourquoi est-ce important que les entreprises françaises, et européennes, se mobilisent dès maintenant pour participer à la reconstruction de l’Ukraine ?
Tout d’abord car il est urgent de sécuriser l’approvisionnement de biens et services essentiels pour les populations ukrainiennes et de protéger nos infrastructures primaires. Face à l’incertitude croissante concernant l’approvisionnement d’énergie pour l’hiver prochain, nous devons décentraliser et élargir nos sources d’énergie renouvelable le plus rapidement possible. Dans le secteur agricole, malgré les circonstances, notre pays a exporté plus de 40 millions de tonnes de marchandises via le corridor maritime ukrainien. Seuls des moyens de défense antiaérienne performants permettront de repousser l’agresseur et garantir la sécurité de notre système économique, et donc des chaînes mondiales d’approvisionnement alimentaire. C’est un besoin urgent.
Deuxièmement, je tiens à rappeler que de nombreux partenaires concourent déjà à la reconstruction de notre pays ; il ne faut pas que les entreprises européennes, et notamment françaises, manquent le créneau. Nous n’attendrons pas la fin de la guerre pour reconstruire le pays.
Dans cette perspective, nous réitérons nos remerciements à l’égard du soutien français. Lors du premier forum sur la reconstruction, organisé par Bercy en décembre 2022, Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité d’envisager des investissements français sur le long terme, et outrepassant l’horizon de la guerre. La visite du Président de la République dans notre pays constituera un signal positif fort. Nous en attendons notamment la signature d’accords intergouvernementaux fondamentaux pour notre pays.
