La montée des tensions au Sud-Liban entre Israël et le Hezbollah risque-t-elle de dégénérer en embrasement régional
La guerre médiatique et psychologique bat son plein. Depuis quelques jours, la tension est montée d’un cran à la frontière sud du Liban et les menaces des deux côtés se sont intensifiées. Les Israéliens multiplient les déclarations précisant que les préparatifs pour une opération militaire de grande envergure contre le Liban vont bon train, alors que le Hezbollah riposte à coups de vidéos montrant des cibles israéliennes variées. Le tout assorti de rumeurs diverses, chacune plus inquiétante que l’autre, et de mises en garde diplomatiques contre les risques d’élargissement de la guerre.
Toutefois, pour de nombreux observateurs, la soudaine montée des tensions servirait justement à cacher la volonté de ne pas mener une confrontation plus large. Mais comme il n’y a pour l’instant aucune solution en vue, ni à Gaza ni ailleurs, il faut faire en sorte de maintenir le conflit ouvert, mais toujours dans certaines limites, car, au fond, nul n’a intérêt à son extension… ni encore à sa résolution.
En effet, le Hezbollah n’a aucun intérêt à ce que le front s’élargisse parce que cela pourrait lui causer des problèmes internes. Avec ses structures étatiques affaiblies et la crise sociale et économique grave qui y sévit, le Liban n’est pas prêt à supporter une guerre comme celle de juillet 2006. Le parti chiite préfère donc maintenir le front ouvert dans « un conflit de basse intensité » pour préserver sa position de soutien au Hamas et en même temps pour éviter d’avoir à rendre des comptes sur l’étendue des destructions, puisque pour l’instant, aucune solution durable n’est en vue.
De son côté, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu voudrait bien élargir la guerre au Liban s’il était sûr de ses résultats. Mais face aux capacités militaires du Hezbollah et aux menaces claires de la part des différents protagonistes de « l’axe de la résistance », l’Iran en tête, il préférerait ne pas se lancer dans une telle aventure; surtout qu’il n’est pas sûr d’avoir l’appui nécessaire des Américains, qu’il souhaite ménager au moins jusqu’à son discours devant le Congrès, prévu le 24 juillet. De plus, il doit faire face à une forte contestation interne de la part de grandes figures militaires et politiques.
Les Américains, eux, rejettent toute possibilité d’élargissement de la guerre. Ils sont conscients du fait que Netanyahu voudrait les entraîner dans une confrontation à grande échelle pour, d’abord, cacher son échec relatif à Gaza et, ensuite, prolonger son maintien au pouvoir jusqu’à ce que le paysage régional et international se clarifie. Ils veulent donc à tout prix éviter tout élargissement de la guerre au sud du Liban, surtout qu’ils traversent une période délicate avec l’échéance présidentielle qui s’annonce difficile pour le président Joe Biden.
De même, l’Iran ne souhaite pas l’élargissement de la guerre. La République islamique l’a clairement montré lors de sa réponse à l’attaque israélienne contre son bâtiment consulaire à Damas. Les menaces récentes de soutenir totalement le Hezbollah en cas d’élargissement de la guerre au Liban ne sont en réalité destinées qu’à dissuader les Israéliens de se lancer dans une telle aventure.
Les États du Golfe, qui ont de grands projets de développement économique, ne veulent pas non plus de l’extension de la guerre qui les remettrait en cause et rebattrait toutes les cartes au Moyen-Orient.
De même pour les Européens, qui ont déjà trop à faire en Ukraine et dont les sociétés sont dans l’expectative du fait du conflit à Gaza. Seule peut-être la Russie de Poutine aurait intérêt à un élargissement de la guerre au Moyen-Orient, parce que cela pourrait lui permettre d’avoir un peu plus de marge de manœuvre en Ukraine, mais dans ce contexte précis, la Russie n’est pas un acteur décisif.
En somme, la plupart des parties concernées n’ont pas intérêt à ce qu’il y ait une guerre totale entre le Liban et Israël. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il y aura une trêve. Au contraire, tant qu’il n’y a pas de perspective de solution claire, aucun des protagonistes n’a intérêt à ce que la guerre s’arrête. Netanyahu ne peut pas se vanter d’avoir éradiqué le Hamas. Il devrait donc annoncer bientôt la fin d’une phase d’opérations militaires intenses à Gaza, sans pour autant parvenir à un cessez-le-feu; et le Hamas poursuivra ses attaques contre les Israéliens, un peu comme le Hezbollah l’avait fait au Liban de 1982 à 2000. Cela ne signifie pas que les choses pourraient traîner aussi longtemps, mais tant que le paysage régional et international ne s’est pas précisé, le scénario le plus probable reste celui d’une longue guerre d’usure à Gaza et au Liban-Sud. Il pourrait ainsi y avoir des attaques plus dures que d’autres, auxquelles le Hezbollah riposterait de façon adéquate, des pics de violence même, mais pas de guerre totale.
Le Liban devrait donc malheureusement continuer de s’enfoncer dans la crise économique et financière, ainsi d’ailleurs que la Syrie, l’Irak et l’Iran, en attendant que sonne l’heure d’un arrangement régional entre les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite et Israël.