Lors de la campagne électorale, le candidat Trump s’est présenté comme un homme de paix, rappelant la signature − à son initiative − des accords d’Abraham au Moyen Orient et réitérant sa capacité à finir rapidement la guerre en Ukraine.
En revanche, ses détracteurs ont souligné son impulsivité et son ignorance en matière de politique étrangère, qui inquiètent la plupart des alliés des États-Unis dans le monde.
Une fois réélu, à quoi peut-on donc s’attendre sur un des dossiers brûlants de l’actualité, la crise au Moyen Orient ?
1 / Il est clair qu’au-delà du caractère intempestif du président, il existe dans cette zone des constantes de la politique américaine, qui sont partagées par le futur locataire de la Maison Blanche : un soutien fort à Israël, une position ferme à l’égard de l’Iran et une volonté de réduire la présence militaire américaine au Moyen Orient. Ce dernier point reflète ce qu’il appelle son « isolationnisme pragmatique » et le souci américain de se consacrer en priorité à la compétition stratégique avec la Chine.
Mais en dépit de ces constantes, la situation a évolué au Moyen Orient au cours des quatre dernières années : Les États du Golfe ont accru leur coopération économique avec la Chine et pétrolière avec la Russie (dans le cadre de l’OPEP +) et ils ont rétabli les relations diplomatiques avec l’Iran et entendent participer aux instances du « Sud Global ». En outre, la crise à Gaza a conduit l’Arabie Saoudite – sous la pression des opinions publiques arabes − à exiger désormais la création d’un État palestinien avant toute reconnaissance d’Israël. Le président Trump devra donc tenir compte de ces nouvelles réalités.
Il est cependant probable que, conformément à ses objectifs déclarés, il retirera les troupes américaines de Syrie et d’Irak et qu’il donnera la priorité aux relations commerciales avec les pays du Golfe, qui constituent toujours un marché porteur et solvable pour les entreprises américaines.
2 / Cela étant, la politique prévisible de Trump dans la zone n’est pas exempte de contradictions éventuelles :
– Le président demande à Netanyahou de terminer le conflit à Gaza en janvier 2025, c’est-à-dire au moment de sa prise de fonction ; mais il déclare en même temps qu’il laissera carte blanche au Premier Ministre israélien ;
– Il veut créer des alliances de sécurité face à l’Iran, notamment en étendant les accords d’Abraham à l’Arabie Saoudite ; mais Riyad ne le fera que s’il y a création d’un État palestinien, ce que le gouvernement israélien refuse ;
– Il veut accroitre la production de pétrole et de gaz américain au moment précis où ses alliés du Golfe souhaitent récupérer leurs parts de marché ;
– Il est favorable par principe aux « deals », mais vis-à-vis de l’Iran, il n’envisage apparemment que de reprendre sa politique de « pression maximale » ;
– Il veut enfin renforcer les garanties de sécurité données aux pays du Golfe, mais il a l’intention en même temps de diminuer la présence militaire américaine dans la région.
3 / En réalité le président Trump pense résoudre ces difficultés de différentes manières :
– Pour rassurer ses alliés dans la région, il s’engagera à leur fournir les armes demandées, les renseignements dont ils ont besoin et à assurer la formation de leurs forces. Il soulignera aussi que les moyens militaires américains déployés au Moyen Orient seront en mesure d’effectuer les frappes nécessaires contre les terroristes.
– Il rappellera également son engagement à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ; mais il reste à savoir si ce sera au moyen d’une négociation en position de force avec un Iran affaibli ou en appui à des opérations militaires israéliennes…
– Il encouragera les entreprises américaines – à commencer par celles du groupe Trump – à renforcer leur engagement dans le Golfe, en contrant l’entrisme actuel chinois.
4 / Il n’empêche qu’il sera difficile à l’administration Trump de concilier ses différents objectifs, qui ne sont pas tous compatibles entre eux et surtout pas toujours compatibles avec ceux des alliés de Washington dans la région :
– Les pays du Golfe veulent certes préserver leur partenariat stratégique avec les États-Unis – notamment dans le domaine sécuritaire – mais ils entendent en même temps poursuivre leur politique de diversification de leurs partenaires dans le monde : la Chine, les BRICS, l’Organisation de Shangaï etc ;
– Le Qatar abrite certes la plus grande base américaine dans la région, mais n’a pas l’intention pour autant de renoncer à son soutien à la cause palestinienne et à sa politique de médiation tous azimuts ;
– Netanyahou souhaite apparemment entraîner les Américains dans des opérations militaires contre les capacités nucléaires iraniennes, mais les États-Unis ne veulent a priori pas intervenir directement – après l’échec de leurs engagements en Afghanistan et en Irak – dans de nouveaux conflits au Moyen Orient.
Il est donc possible que le président Trump privilégiera la politique des « deals » dont il se veut être l’expert, mais la question de la compatibilité entre ses objectifs et ceux de ses alliés demeure une question ouverte. Il sera en particulier intéressant de voir s’il sera en mesure – contrairement au président Biden – de faire les pressions nécessaires sur Israël pour éviter un embrasement au Moyen Orient et favoriser un règlement durable tant de la question palestinienne que de la relation avec l’Iran, ce que souhaitent en réalité les pays du Golfe et les autres pays de la région.