Lorsqu’il avait été élu président il y a huit ans face à Hillary Clinton, à la surprise générale y compris la sienne, Donald Trump n’était pas préparé à assumer la responsabilité suprême. Résultat : il s’était entouré de hiérarques du parti Républicain qui avaient pesé de façon décisive sur ses choix politiques et économiques.
Rien de tel pour les quatre années qui viennent : depuis huit ans, Donald Trump a appris, compris et gagné. Il est convaincu que les politiques qu’il a proposées au pays et que le peuple américain a largement approuvées (« America First », droits de douane sur les importations, expulsions massives de migrants illégaux, réformes de l’Etat fédéral) sont les bonnes. Il va donc les mettre en œuvre rapidement et avec détermination.
Pour ce faire, sans attendre sa prise de fonction le 20 janvier, depuis son fief de Mar-a-Lago et en dehors de toute consultation du parti Républicain, il est déjà en train de nommer des hommes et des femmes qui lui sont proches et partagent pleinement ses convictions.
Pour les droits de douane (« tariffs » est le plus beau mot de la langue anglaise selon Trump) qui s’élèveront de 10 à 20 % (60% pour la Chine), Trump a demandé à Robert Lighthizer, déjà en charge de ce dossier sous son premier mandat, d’être son « US Trade Representative ». Les meilleurs économistes américains soulignent que ces mesures provoqueront une inflation considérable aux Etats-Unis. Rien n’y fait et le reste du monde paraît tétanisé : à ce jour, seul le Mexique, premier partenaire commercial des Etats-Unis, a annoncé des mesures de rétorsion.
Pour les expulsions de migrants illégaux, Trump a choisi Kristi Noem, l’énergique gouverneure républicaine du Dakota du Sud, en qualité de « secrétaire à la Sécurité Nationale », en charge notamment des frontières.
Pour la réforme (c’est-à-dire la forte réduction) de l’Etat fédéral, comme prévu Elon Musk (flanqué d’un autre milliardaire proche de Trump : Ramaswamy) sera en charge.
Enfin, pour les relations internationales, cinq nominations ont déjà été annoncées. Toutes sont attribuées à des fidèles de Trump :
– le Conseiller National pour la Sécurité, poste clé de la Maison Blanche, sera Mike Waltz, un ancien colonel des forces spéciales, élu de Floride, connu pour ses opinions anti-chinoises, hostiles à l’Otan et à l’engagement américain en Ukraine ;
– le Secrétaire d’Etat sera Marco Rubio, sénateur de Floride, ancien rival de Trump devenu son ami. Il est hostile à la Chine et à l’Iran notamment ;
– le Secrétaire à la Défense sera Pete Hegseth, journaliste de Fox News, ancien militaire mais sans aucune expérience gouvernementale alors qu’il aura à gérer près de trois millions d’hommes et le plus gros budget des Etats-Unis.
– le Directeur de la CIA sera John Radcliffe, ancien élu du Texas, qui était en charge du renseignement à la Maison Blanche pendant le premier mandat de Trump ;
– enfin, Madame Tulsi Gabbard sera la Directrice du Renseignement National. Elue de Hawaï, elle est connue pour ses déclarations favorables à Putin et à Assad.
Trois autres nominations révélatrices méritent d’être mentionnées :
– Steve Witkoff, milliardaire proche ami de Trump, sera son envoyé spécial au Moyen-Orient ;
– Elise Stefanik sera ambassadrice auprès des Nations-Unies. Elue républicaine de New York, elle est un soutien inconditionnel d’Israël ;
– Mike Huckabee, ancien pasteur évangéliste, ancien gouverneur de l’Arkansas et candidat républicain à la Présidence, sera ambassadeur en Israël.
Ces nominations ont été accueillies avec enthousiasme par Netanyahu en Israël. De façon révélatrice, aucun autre nom d’ambassadeur n’a été annoncé, que ce soit en Chine, auprès de l’U.E. ou en Arabie saoudite.
Nombreux sont les Etats qui ont compris le message envoyé au monde par les électeurs américains. Anticipant sur les décisions de Trump, même les gouvernements proches des Etats-Unis multiplient les annonces destinées à séduire le futur président. Quatre exemples :
– Taïwan, accusée par Trump de ne pas payer assez pour sa défense, a annoncé un achat massif d’armement américain et de nouveaux investissements considérables aux Etats-Unis dans les semi- conducteurs ;
– les Philippines ont fait connaître leur intention d’acheter plus largement des armes américaines, notamment des missiles Typhon ;
– même Israël va passer commande de 25 avions de chasse F15 à Boeing pour plus de cinq milliards de dollars ;
– l’Ukraine cherche, elle aussi, à séduire Trump : Zelensky, qui s’est entretenu avec lui après sa réélection, lui a proposé d’offrir aux Etats-Unis un accès privilégié à toutes les ressources minérales du pays. Mais nul ne sait à ce jour ce que Trump décidera concernant le règlement du conflit.
Ce nouveau contexte transactionnel est un défi majeur pour l’Union Européenne. Il a été au cœur des discussions du Conseil Européen de Budapest les 7 et 8 novembre. Ursula von der Leyen a annoncé que l’Europe était prête à remplacer le gaz naturel importé de Russie par du GNL américain. Et l’U.E. semble enfin décidée à investir massivement dans les armements. Mais pour que la nouvelle commission puisse avancer vite et fort, notamment dans la mise en œuvre du rapport Draghi, il faudrait un moteur franco-allemand en état de marche…