Le Président Trump et l’ordre mondial

24.01.2025 - Éditorial

Les premières décisions du Président Trump, signées le jour même de l’inauguration de son nouveau mandat, marquent une rupture majeure dans l’ordre mondial créé par les Etats-Unis à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont ils étaient les garants depuis lors.

Ces premières décisions, extrêmement graves pour la santé et le climat, seront intégralement mises en œuvre aussi longtemps que Trump le souhaitera puisqu’il est soutenu par des majorités républicaines au Sénat, à la Chambre des Représentants et même à la Cour Suprême.

Ainsi les Etats-Unis, de loin les premiers contributeurs, vont se retirer de l’Organisation Mondiale de la Santé, qui a pourtant joué un rôle essentiel lors de la crise du Covid. C’est le signe de l’influence de Robert Kennedy dont les vues sur la santé publique sont pourtant plus que discutables.

De même, les Etats-Unis vont se retirer de l’Accord de Paris sur le climat et ils vont accroître massivement l’exploitation (« Drill, baby, drill ! ») et les exportations de leurs ressources minérales, à commencer par le pétrole et le gaz, en exigeant des Européens d’accroître fortement leurs importations sous peine de sanctions telles que l’imposition de droits de douane considérables sur les exportations européennes (notamment nos vins et alcools).

Plus grave encore, les Etats-Unis remettent en cause leur rôle de principal garant de l’ordre mondial basé sur le droit international et la charte des Nations-Unies, négociée à San Francisco en 1945 et dont le siège premier est à New York : le Président Trump, dans une série de déclarations, a menacé de reprendre le contrôle du canal de Panama, de contester l’indépendance du Canada, d’annexer le Groënland… Par ces menaces, il place les Etats-Unis dans le camp des puissances impériales, aujourd’hui incarnées par la Russie de Poutine et son invasion de l’Ukraine, comme par la Chine de Xi Jinping et ses menaces de prise de contrôle par la force de Taïwan et de la mer de Chine du Sud.

Plus largement, sa vision des relations internationales n’est pas fondée sur le droit et l’égalité souveraine des Etats, mais sur des « deals » négociés sur la base de rapports de force où les Etats-Unis utilisent sans complexe leur puissance.

Bien comprise à Moscou, Pékin, New Delhi ou Téhéran, cette approche est aux antipodes de la construction de l’Union Européenne, fondée sur le droit et la coopération entre Etats, grands et petits, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de l’UE. Malheureusement, l’Union Européenne est en très mauvaise posture, affaiblie depuis vingt ans par un décrochage économique majeur par rapport aux Etats-Unis, et par des défis internes (la Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque penchent vers Moscou) et externes (la guerre à ses portes en Ukraine, pour laquelle le soutien américain est décisif).

Un chemin existe pour sortir l’UE de cette mauvaise passe. Sur le plan économique, il a été clairement identifié par les rapports de Mario Draghi et d’Enrico Letta. Sur le plan militaire, plusieurs groupes européens peuvent « réarmer » l’Europe pour peu qu’on leur en donne les moyens financiers. Et les pays européens, y compris le Royaume Uni, doivent désormais travailler à la mise en place d’un pilier européen au sein de l’OTAN.

Sur le plan international, l’UE, qui apporte 43% de l’aide au développement mondiale, pourrait adopter et mettre en œuvre une stratégie d’influence dans son voisinage, au Proche Orient et en Afrique notamment.

Mais pour tout cela, il faut à l’UE un leadership capable de mobiliser ses atouts. Une nouvelle Commission, dirigée par Ursula von der Leyen qui a déjà cinq ans d’expérience à ce poste, est en place. Il ne manque que l’impulsion politique, c’est-à-dire le moteur franco-allemand appuyé par la Pologne, voire l’Italie. L’Allemagne disposera d’un nouveau gouvernement au printemps. Et la France ?

Jean-David Levitte
Jean-David Levitte est senior policy advisor pour le groupe ESL Network. Il a eu une carrière diplomatique remarquable, marquée dans un premier temps par un passage à l’Elysée aux côtés du Président Giscard d’Estaing de 1975 à 1981. De 1995 à 2000, il a été le Conseiller diplomatique et Sherpa du Président Jacques Chirac. Entre temps, il a notamment occupé les fonctions d’Ambassadeur de la France aux Nations Unies à Genève. De 2007 à 2012 il a été le conseiller diplomatique et Sherpa du Président Nicolas Sarkozy. De 2003 à 2007 il a été Ambassadeur à Washington pendant la difficile période de la guerre en Irak. De 2000 à 2002 il a été Ambassadeur à l’ONU à New York, présidant le Conseil de Sécurité lors des attaques du 11 septembre 2001.