L’Arabie Saoudite a quasiment rompu ses relations diplomatiques avec le Liban le 29 octobre dernier, suite aux critiques d’un ministre libanais sur sa politique au Yémen. Mais les raisons sont plus profondes : ce que reproche le royaume au Liban officiel, c’est de couvrir implicitement par son silence les activités militaires transnationales du Hezbollah, dérivant ainsi vers l’axe iranien.
Or, l’objectif de Riyad est de pousser le pays du Cèdre à réorienter sa politique pour revenir dans le giron arabe.
Le problème est que ce n’est pas en se désinvestissant du pays que l’on peut y gagner en influence.
Or, le retrait politique récent de Saad Hariri est généralement interprété comme la confirmation de son lâchage par Riyad et les pays du Golfe. Est-ce à dire que l’Arabie a décidé de soutenir un autre candidat dans la bataille pour le leadership sunnite ? Le royaume mise-t-il tout sur les Forces Libanaises – son principal allié au Liban – dans la perspective des législatives prévues en mai prochain ?
En réalité, l’Arabie Saoudite ne soutient pas une personnalité politique précise, mais plutôt une orientation générale qui se résume à l’arabité du Liban et son indépendance. Riyad attendra donc de voir comment le paysage électoral – encore très incertain – va se décanter, et agira en conséquence. D’autant plus que le royaume n’est pas convaincu pour le moment que les élections peuvent permettre de faire bouger les lignes, en particulier concernant la question du Hezbollah, bête noire de Riyad.
Toutefois, ayant compris qu’un retrait total de la scène libanaise ne pouvait que laisser la voie encore plus libre à l’Iran, les monarchies du Golfe tentent désormais une approche concertée à travers le message musclé envoyé au Liban via l’initiative koweïtienne du 23 janvier dernier. Ces pays posent en effet des conditions rédhibitoires pour que le Liban se réhabilite à leurs yeux, notamment :
- l’application des résolutions internationales, en particulier la résolution 1559 du Conseil de Sécurité stipulant le désarmement de toutes les milices, y compris le Hezbollah ;
- un retour à la politique de distanciation et de non-ingérence dans les affaires des pays arabes ;
- le contrôle des frontières et des points de passage ainsi que le renforcement des mesures de sécurité à l’aéroport de Beyrouth pour empêcher le trafic de drogue vers l’Arabie.
En fait, les pays du Golfe proposent un « come back » sur la scène libanaise à condition que le pays du Cèdre revienne à une politique plus équilibrée. Leur objectif est surtout de garantir leur propre sécurité : l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis souhaitent que le Hezbollah cesse son ingérence au Yémen – dans le prolongement de la stratégie iranienne dans la région — qui a permis les attaques Houthies contre Riyad et Abou Dabi ; ils veulent également que le Liban cesse de servir de tribune aux oppositions bahreïnienne et saoudienne (invitées dans la banlieue sud de Beyrouth) pour les critiquer ; ils exigent enfin que soit mis un terme au trafic de captagon, une drogue produite en Syrie dont l’exportation dans les pays du Golfe serait orchestrée par le Hezbollah.
Ces conditions sont naturellement difficiles à appliquer pour un pays qui n’a qu’un contrôle relatif sur sa politique étrangère. Mais le message est clair : les pays du Golfe sont toujours disposés à aider le Liban, mais à la condition que ce dernier règle ces problèmes. La balle est donc renvoyée dans son camp.