Le prince héritier saoudien a annoncé lors d’une conférence à Riyad en décembre dernier que son pays n’émettrait plus de C02 en 2060 et qu’il investissait déjà massivement dans les énergies renouvelables. Venant de la plus haute autorité de l’Etat après le Roi, cette déclaration est le signe clair de l’engagement du royaume en matière de respect de l’environnement et de diversification de son mix énergétique.
Il est cependant intéressant de relever que le ministre de l’Energie – lui aussi fils du Roi et demi-frère de MBS – a tenu de son côté à préciser dans le TIME la politique pétrolière de l’Arabie Saoudite, dans des termes qui peuvent paraître, à première vue, contradictoires avec les engagements du prince héritier.
Le prince Abdelaziz ben Salman a en effet indiqué que le royaume avait décidé en mars 2020 d’accroître sa production de pétrole pour atteindre les 13,5 millions de barils/jour en 2027 et améliorer ainsi sa part du marché pétrolier mondial. Il a justifié cette politique en rappelant que la demande de pétrole continuerait à grandir, étant donné les besoins en énergie dans le monde : « Trois milliards d’individus n’ont aucune source d’énergie véritable, juste pour cuire leur nourriture. Comment parler à ces gens de changement climatique, de réduction des émissions de C02 ou de diversification des sources d’énergie, alors que leurs besoins fondamentaux ne sont pas assurés ? Les préoccupations environnementales sont certes une priorité pour les pays développés, mais elles ne prennent pas en compte ceux qui sont en bas de l’échelle ».
Selon le prince, ceux qui prédisent le déclin inévitable du pétrole fossile « vivent donc dans un monde imaginaire ».
En réalité, ajoute-t-il, il n’y a pas à choisir – pour un pays comme l’Arabie Saoudite – de demeurer un producteur géant de pétrole ou de développer d’immenses projets solaires, éoliens et d’hydrogène. Le royaume travaille activement sur ce qu’on appelle « l’économie carbone circulaire », de manière à atteindre l’émission zéro carbone en 2060, et peut-être même avant cette date. Il s’agit en fait de devenir plus efficace, en isolant les bâtiments, en ayant des normes plus strictes dans l’industrie, en captant le C02 et en le transformant par exemple en engrais.
Il faut donc garder toutes les options ouvertes, car personne aujourd’hui ne peut avoir de certitudes sur le développement futur des technologies, dans les énergies renouvelables comme ailleurs.
Cette interview du ministre saoudien de l’Energie est intéressante car elle vise à démontrer qu’il n’y a pas de contradiction entre l’objectif visé de zéro émission de carbone en 2060 et l’accroissement engagé de la production pétrolière du royaume, à un niveau jamais atteint.
Il est clair que Riyad cherche en réalité à accroître ses parts du marché pétrolier au moment où la reprise économique mondiale renforce la demande d’énergie. Ayant continué à investir dans ses champs pétroliers – contrairement à d’autres pays – le royaume espère conforter sa place de premier exportateur mondial de brut et continuer à bénéficier le plus longtemps possible de son capital pétrolier.
Cela n’empêche pas l’Arabie de développer en même temps ses énergies renouvelables et de prendre par ailleurs des mesures pour mieux respecter l’environnement et accroître son efficacité énergétique.