Cette contribution de Noëlle Lenoir est publiée dans l’ouvrage collectif Goodbye Poutine ! Union européenne – Russie – Ukraine. Une analyse qui brille par son actualité 8 ans après son écriture et rappelle les ambitions de Poutine et la technique des dirigeants russes qui ont toujours été les mêmes.
Célébré voici quelques mois comme l’homme le plus puissant du monde en 2013 par le Magazine Forbes qui l’a ainsi félicité d’avoir enfumé les Occidentaux en dissuadant le Président américain, Barack Obama, d’éviter le bain de sang dont la Syrie est pourtant quotidiennement le théâtre, Vladimir Poutine couronne – provisoirement – sa gloire en annexant la Crimée, soit une partie d’un Etat souverain.
On sent les relents de la « Grande Russie » qu’Ivan le Terrible (lisez l’ouvrage d’Henri Troyat sur la grande histoire des Tsars de Russie) avait, au 16ème siècle, illustrée de ses conquêtes militaires… en terrorisant son peuple d’abord et ensuite la planète. Ici, il s’agit de reconstituer l’Empire soviétique dont la fin, avec la chute du Mur de Berlin et la libération des peuples des satellites du Kremlin, a été qualifiée par le Président russe de « plus grande catastrophe du 20ème siècle ».
Son agenda est clair, car Poutine ne s’arrêtera pas là. Il ira jusqu’où on l’arrêtera, mais ne le fera pas lui-même. La griserie des conquêtes militaires est ainsi faite : annexion de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en Géorgie en 2008 avec la promesse faite aux Européens de retirer des troupes russes… qui s’y trouvent encore ; annexion de la Crimée en 2014 à « l’appel » du peuple de Crimée qui doit être défendu contre les nazis… (sic !), alors que les Ukrainiens voulaient simplement se débarrasser de la marionnette de Moscou en la personne de Ianoukovitch dont la résidence d’un goût aussi vulgaire que fastueux est la risée de la presse internationale.
A chaque fois, la ficelle est un peu plus grosse, mais il teste l’apathie des Occidentaux. Il s’appuie aussi sur un réseau d’intérêts économiques à l’Ouest, à commencer par l’Allemagne, qui à l’évidence sont allés beaucoup trop loin dans la dépendance vis-à-vis de la Russie.
Quelle sera la prochaine étape : l’Est de l’Ukraine ? La Moldavie ? Les Etats Baltes maintenant partie intégrante de l’Union européenne et Etats-membres modèles pour la façon dont ils ont surmonté la crise économique ? Cacher à l’opinion publique ce que signifie la folie de l’invasion de la Crimée, serait irresponsable. C’est une déclaration d’hostilités adressée aux Occidentaux, et notamment les Européens foncièrement méprisés pour leur faiblesse congénitale liée à l’absence d’une défense militaire intégrée et organisée. Et d’ailleurs l’histoire du 20ème siècle ne peut malheureusement pas lui donner totalement tort à cet égard.
Quant à la technique des dirigeants russes de répondre systématiquement aux questions qui leur sont posées en bottant en touche sur des sujets qui n’ont rien à voir, il faut la démasquer. C’est une vieille technique des régimes autoritaires qui remonte aux temps les plus sombres. Je me souviens ainsi en 2008 d’avoir été invitée sur un plateau de télévision pour un débat sur l’invasion russe en Géorgie, alors que mon interlocuteur diplomate russe m’opposait la Révolution de 1789 qui a fini dans la Terreur… (Sic !). Plus récemment en 2013, à mon interpellation à la télévision sur l’annexion programmée de la Crimée et l’image déplorable en termes de respect des droits de l’homme que renvoie son gouvernement, un autre diplomate russe me lance que « les Pays-Bas sont pires puisqu’ils pratiquent l’euthanasie des enfants… » (Sic !) Mes notions de russe sont hélas trop rudimentaires, mais combien j’aurais aimé pouvoir répondre en traduisant dans le texte l’expression : prendre les gens pour des idiots…
Dernier point : les soldats russes seraient venus au secours des Ukrainiens menacés par le retour des nazis ! Devons-nous comprendre que la prochaine conquête militaire du Président russe sera la Grèce où effectivement un parti – Aube Dorée – qui a pas mal infiltré l’appareil policier et judiciaire semble-t-il, s’intitule officiellement néo-nazi ?
Contribution à l’ouvrage collectif Goodbye, Poutine ! Union Européenne – Russie – Ukraine
Publié par Magna Europa en juin 2014