L’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou interviewé sur les risques d’un accord nucléaire avec l’Iran par la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya, un rabbin israélo-américain en visite à Riyad, une grande famille d’affaires saoudienne investissant dans des sociétés israéliennes… tous ces éléments récents étaient impensables il n’y a pas si longtemps.
Les contacts officieux entre l’Arabie saoudite et Israël deviennent en effet plus visibles et se transforment en liens pragmatiques économiques et sécuritaires, par exemple à propos des îles saoudiennes dans le détroit de Tiran.
En début d’année, le prince héritier Mohamed ben Salman a d’ailleurs déclaré publiquement : « Nous ne voyons pas Israël comme un ennemi, mais plutôt comme un allié potentiel ».
Il s’agit là d’une inflexion significative par rapport au boycott traditionnel de l’État hébreu, par solidarité avec les Palestiniens.
La raison de ce mouvement est connue : face aux ambitions régionales de l’Iran et au désengagement relatif des États-Unis du Moyen Orient, les pays du Golfe partagent les préoccupations israéliennes et se sont rapprochés de lui.
Les Émirats Arabes Unis et Bahreïn ont même franchi le pas de la reconnaissance diplomatique d’Israël dans le cadre des accords d’Abraham et développent avec lui une coopération technologique, sécuritaire et économique.
L’Arabie saoudite s’en tient, elle, à sa politique traditionnelle de conditionnement de la reconnaissance d’Israël à une solution acceptable de la cause palestinienne, conformément à l’initiative arabe de paix.
Et effectivement, si les avions civils israéliens peuvent désormais emprunter l’espace aérien saoudien, pour un homme d’affaires israélien il n’est toujours pas possible d’avoir une liaison téléphonique directe avec l’Arabie ni d’opérer un transfert financier. Mais des Israéliens peuvent venir en Arabie en utilisant d’autres passeports. Certains hommes d’affaires saoudiens sont en effet intéressés par la technologie israélienne et souhaitent en bénéficier.
Toutefois, ce processus de rapprochement devrait prendre du temps, car l’Arabie Saoudite a un statut particulier dans le monde arabo-musulman comme « Gardienne des lieux Saints » de l’islam. Contrairement aux Emirats Arabes Unis ou Bahreïn, elle a une responsabilité spécifique, ce qui explique précisément l’intérêt que Tel-Aviv et Washington accordent à sa reconnaissance d’Israël.
En fait, Riyad tient compte aussi du fait que la majorité des citoyens du Golfe n’est pas aujourd’hui favorable à ce mouvement, qui par ailleurs donnerait de facto à l’adversaire iranien le monopole du soutien à la cause palestinienne.
En effet, les accords d’Abraham ont incontestablement brisé le tabou des relations avec Israël, mais ils ne sont approuvés – selon les sondages – que par une vingtaine de pourcent des habitants du Golfe.
Naturellement les choses peuvent évoluer avec la situation dans la région, mais la menace iranienne, telle qu’elle est perçue à Riyad, crée les conditions objectives d’un rapprochement avec Israël.
Il faut cependant être conscient que – comme l’a déclaré l’ambassadrice saoudienne à Washington – « trop en parler est contre-productif ».