Quelles perspectives s’ouvrent aux jeunes dans le contexte social, économique et géopolitique actuel ?
Je dois reconnaître qu’être jeune aujourd’hui, ce n’est pas facile. Nous vivons des chocs simultanés : crise sanitaire, crise sécuritaire, crise sociale, crise politique, crise climatique, retour de la guerre en Europe… Nous vivons sur un volcan. Difficile de trouver des raisons d’être optimiste. Pourtant, le pire serait la résignation ou la violence. Dans ce contexte très tourmenté, j’essaie de transmettre aux jeunes des points d’ancrage, des antidotes, qu’il m’est arrivé de mettre en pratique moi-même, au cours de mes quarante-trois années au service des armes françaises.
Pouvez-vous nous citer quelques-uns de ces antidotes ?
Je commencerais par le refus de la résignation, du fatalisme, du défaitisme, grâce à la confiance dans la vie. Ayons le cœur et les bras grands ouverts. Parmi les autres antidotes que j’ai identifiés je citerais volontiers : accepter l’autorité juste, car elle est indispensable à la vie de toute communauté si elle incarne la responsabilité et non le pouvoir ; croire en ses rêves, car si vous pouvez le rêver, vous pourrez le faire ; donner l’exemple pour enrayer les mécaniques de violence et rendre à nouveau lisible la limite entre le bien et le mal ; cultiver l’équilibre et le compromis, non par mollesse ou refus de choisir, mais pour faire des choix réfléchis et posés ; s’éduquer, car nourrir son intelligence, c’est accroître ses compétences et s’ouvrir à la culture ; faire du sport, car c’est un moyen de se découvrir, de progresser, de se dépasser, d’aller toujours plus loin dans la difficulté, d’apprendre à gérer l’effort dans la durée.
Selon vous, l’armée est un « laboratoire intéressant ». Que voulez-vous dire ?
D’abord, l’armée c’est la jeunesse. Plus de 50 % des militaires ont moins de 30 ans. Pendant quarante-trois ans, j’ai donc vécu au milieu des jeunes. Pourtant, vous ne m’entendrez jamais dire que je considère l’armée comme un modèle transposable à l’ensemble de la société. Mais effectivement, je suis convaincu qu’elle est un laboratoire. Elle sait reconnaître la valeur d’un individu tout en valorisant le collectif. En quelques mois, elle parvient à transformer des jeunes parfois isolés, introvertis ou égocentrés en personnalités affirmées et épanouies, au service des autres, au service de la France, ce qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime. Et pourquoi l’armée réussit-elle cette transformation ? Parce qu’elle transmet des valeurs collectives : la fraternité, la détermination, le respect, l’engagement, l’égalité, la liberté, la vérité, le pardon, la persévérance, l’honneur, la fidélité, le goût de la victoire.
Vous concluez votre ouvrage par cette invitation : « Aimez la France ! ». Comment rendre les jeunes fiers de la France ?
Servir est le maître mot. Nous sommes au service d’un pays – la France – à travers la difficile mission qui nous a été confiée collectivement. Ce que nous servons – le bien commun – nous dépasse et, en même temps, nous en incarnons une part, chacun là où il est, là où il sert, c’est-à-dire là où il est utile. La France, c’est un acte d’amour, un acte de foi en l’humanité et en la civilisation. Qui aime la France ne peut la trahir et se doit de la servir et de la défendre. Je me refuse de voir grandir mes petits-enfants dans une France déconstruite. Au contraire, je crois qu’il est possible de restaurer l’audace, le génie, l’esprit de conquête si cher à la grande majorité de nos concitoyens. Pour moi, être patriote n’est pas du tout ringard. La patrie est une terre charnelle, la terre de nos pères, qui nous a été léguée par l’héroïsme de nos anciens depuis des siècles. Elle mérite le respect, plutôt que l’ignorance, l’arrogance, l’ingratitude ou la moquerie. Il appartient donc à la jeunesse d’aujourd’hui de l’épouser, de la faire vivre, de l’aimer et de la transmettre aux générations suivantes, comme on le fait pour un précieux patrimoine.
