Après la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre le 5 septembre, soit près de deux mois après les élections législatives anticipées, la composition de son gouvernement a été dévoilée par Alexis Kohler le samedi 21 septembre au soir, depuis le perron de l’Élysée. Ce gouvernement, composé de 39 membres, marqué à droite, résulte d’une coalition fragile entre le camp présidentiel et Les Républicains (19 représentants du camp présidentiel, 10 Républicains et 1 seul ministre issu de la gauche).
Prévue pour le 1er octobre, la déclaration de politique générale (DPG) de Michel Barnier sera le baptême du feu pour son gouvernement. Bien que sa prise de parole n’entraîne pas un vote de confiance par les députés, son discours donnera les grandes tendances du gouvernement. Déjà annoncée par le PS, une première motion de censure sera déposée le 2 octobre afin de renverser le gouvernement. Du côté du RN, Jean-Philippe Tanguy a indiqué que pour le moment aucune motion de censure n’était à l’ordre du jour pour son groupe. Un premier saut d’obstacle pour Michel Barnier et ses ministres qui devront réitérer l’exercice plus d’une fois lors de cette session ordinaire.
Jeux d’équilibre entre le NFP et le RN
Fraîchement nommé à Bercy, Antoine Armand, qui hérite déjà d’une situation budgétaire périlleuse, a dû faire face à sa première polémique politique à l’approche de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Reçu mardi par la matinale de France Inter, Antoine Armand déroule face aux questions des journalistes et des auditeurs. Revenant sur son élection en tant que député, grâce aux voix du “Front Républicain”, le ministre a laissé entendre que sa porte resterait fermée aux propositions des élus du Rassemblement national (RN). “Ma porte restera toujours ouverte (…)pour peu qu’il soit dans l’arc républicain. (…) Le RN, contre lequel nous avons été élus, n’y appartient pas.”, a-t-il déclaré.
Si à première vue, la logique défendue par Antoine Armand n’était pas si incongrue, renvoyant le gouvernement et l’opposition de gauche à la constitution du “Front Républicain” aux dernières élections et rappelant à tous l’importance de maintenir un cordon sanitaire, elle a fait l’objet d’une première fausse note au sein du gouvernement. En effet, dans le contexte de l’incertitude du gouvernement face à une éventuelle censure de l’Assemblée nationale, une telle prise de position anti-RN passe mal. Michel Barnier, qui se sait en sursis, a conscience qu’il occupe Matignon parce que Marine Le Pen l’a bien voulu. Cette dernière a sauté sur l’occasion pour de nouveau mettre en garde le Premier ministre : “Je pense qu’il doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement, car il semblerait que certains n’aient pas encore totalement compris.” Le Premier ministre s’est alors empressé de décrocher son téléphone pour s’excuser et rassurer la présidente du groupe RN. Michel Barnier, qui tente de construire sa stature et d’affirmer son autorité sur une équipe gouvernementale hétéroclite, a sans doute commis ici une erreur de com’. Sa réaction a donné une étrange impression de faiblesse, à l’approche d’une déclaration de politique générale qui sera particulièrement scrutée. Il y a pourtant peu de chances que Marine Le Pen, dans sa quête de respectabilité, endosse le rôle de celle qui bloque les institutions en censurant d’office le gouvernement Barnier. Le Premier ministre a en revanche donné du grain à moudre à la gauche, à qui, il n’en fallait pas plus pour dénoncer la “soumission” du locataire de Matignon à la leader de l’extrême droite ; la décomplexant au passage de voter, si l’occasion se présente, une motion de censure avec le RN…
Une union gouvernementale fébrile
Invité lundi au JT de TF1 pour un premier grand oral remarqué, le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a tenu un discours de fermeté. L’ancien Président des Républicains au Sénat a dénoncé “un droit à l’inexécution des peines”. Au même moment, sur France 2, le Garde des Sceaux Didier Migaud lui a sèchement répondu qu’il devait savoir que “la justice est indépendante dans notre pays, et que c’est quelque chose d’essentiel dans la démocratie.” Une passe d’armes télévisuelle qui rappelle les limites du “en même temps”, alors que Didier Migaud, lointain adhérent du Parti Socialiste, a la lourde tâche d’incarner à lui seul la tendance de gauche au sein du gouvernement. Déjà, dans les précédents gouvernements, la relation entre le Garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur était loin d’être un long fleuve tranquille. Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti s’étaient vivement affrontés à plusieurs reprises, sur fonds de désaccords politiques et de manque de solidarité gouvernementale… Soucieux de ne pas répéter les erreurs du passé, Michel Barnier a décidé, selon l’Express, de convoquer les deux hommes pour siffler la fin de la récréation : “C’est normal qu’il y ait des débats et des visions qui s’affrontent, mais c’est moi qui tranche à la fin.” Si ces affrontements entre les deux postes, et, plus largement, les “couacs” gouvernementaux ne sont pas rares, la configuration politique leur donne une dimension particulièrement inflammable. La promptitude de Michel Barnier à réagir aux polémiques traduit bien la fébrilité ambiante.