États-Unis : le retour de Donald Trump

08.11.2024 - Éditorial

La victoire, impressionnante par son ampleur, de Donald Trump et des Républicains a surpris car les sondages ont largement sous-estimé les frustrations et les colères d’une majorité d’Américains face à deux phénomènes : les hausses de prix, pendant le mandat de Biden, qui ont réduit le pouvoir d’achat des classes populaires, et une immigration perçue comme incontrôlée. Deux sujets au cœur de la campagne de Trump ; deux points faibles de celle de Kamala Harris. Deux sujets qui expliquent la mobilisation en faveur de Trump du vote masculin, y compris pour la première fois au sein des minorités afro-américaine et latinoaméricaine. En revanche, contrairement à ce qui était attendu, les femmes ne se sont pas massivement mobilisées en faveur de Kamala Harris, notamment au sujet du droit à l’avortement remis en cause par la Cour Suprême.

Pendant les quatre prochaines années, Trump et le parti Républicain à ses ordres, auront un contrôle total du gouvernement, du Sénat, sans doute de la Chambre des Représentants, et même de la Cour Suprême. Quelles vont en être les conséquences pour les États-Unis, pour le monde et en particulier pour l’Europe ?

Sur le plan économique, Trump a l’intention de réduire l’impôt sur les sociétés à 15% (21% aujourd’hui) et d’alléger plus généralement la fiscalité, aggravant un déficit du budget qui est déjà de 6% du PIB, alors que la dette (99% du PIB) est au plus haut depuis 1947.

Le gouvernement américain devrait rapidement mettre en place les taxes à l’importation annoncées, de 10% au moins (60% pour la Chine), qui pourraient déboucher sur une hausse des prix aux États-Unis et des mesures de représailles des pays concernés. Trump a en outre indiqué qu’il imposerait des droits supplémentaires aux pays qui ont un important excédent commercial avec les États-Unis, en particulier ceux de l’Union Européenne, le Mexique, le Japon, le Vietnam…

Concernant la protection de l’environnement, Trump a l’intention de retirer les États-Unis des accords de Paris (ce qui pourrait inciter d’autres pays à faire de même). Il va réduire les contraintes sur la production nationale de pétrole, de gaz et même de charbon, ainsi que sur les minerais nécessaires aux nouvelles technologies. Trump a bien l’intention de mettre en œuvre (au moins en partie) sa politique d’expulsion des migrants illégaux avec le concours de la police et de la garde nationale. On estime leur nombre à dix millions. Les conséquences économiques pourraient en être désastreuses dans trois secteurs : le bâtiment, l’agriculture et la restauration.

En politique étrangère, c’est sur la guerre en Ukraine que le changement de Président devrait avoir les conséquences les plus importantes. On sait que Trump a maintenu, pendant les années Biden, un dialogue secret avec Poutine. Tout indique qu’il favorisera un règlement du conflit laissant sous souveraineté russe les territoires aujourd’hui sous le contrôle de Moscou. Et nous ne devrions pas compter sur une participation des États-Unis au financement de la reconstruction de l’Ukraine. Par ailleurs, Trump pourrait à nouveau menacer de retirer les États-Unis de l’Alliance Atlantique si les Européens ne poursuivent pas leur effort de réarmement.

Au Moyen-Orient, Trump devrait chercher à obtenir un règlement du conflit à Gaza et au Liban prenant en compte les demandes de Netanyahu. Il tentera d’obtenir une normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et Israël mais se heurtera à une difficulté majeure : le refus de Netanyahu d’accepter la solution des deux États Israël/Palestine, demandée par Riyadh. Enfin Trump devrait être favorable à des sanctions accrues contre l’Iran, sans exclure la possibilité d’un nouvel accord concernant la renonciation par Téhéran aux armes nucléaires.

Mais c’est bien sûr la relation États-Unis/Chine qui revêtira la plus grande importance. Comme lors de son premier mandat, Trump, au-delà des taxes massives à l’importation, maintiendra un dialogue transactionnel avec Xi Jinping, tout en exigeant de Taïwan de payer plus pour sa défense et d’investir davantage aux États-Unis.

Au total, alors que les États-Unis présideront le G20 en 2026 et le G7 en 2027, alliés et adversaires doivent se ré-habituer à un interlocuteur sans vision de l’ordre mondial, pourtant en pleine transformation, et qui pratique le « donnant-donnant » au service des seuls intérêts économiques à court terme des États-Unis.

Jean-David Levitte
Jean-David Levitte est senior policy advisor pour le groupe ESL Network. Il a eu une carrière diplomatique remarquable, marquée dans un premier temps par un passage à l’Elysée aux côtés du Président Giscard d’Estaing de 1975 à 1981. De 1995 à 2000, il a été le Conseiller diplomatique et Sherpa du Président Jacques Chirac. Entre temps, il a notamment occupé les fonctions d’Ambassadeur de la France aux Nations Unies à Genève. De 2007 à 2012 il a été le conseiller diplomatique et Sherpa du Président Nicolas Sarkozy. De 2003 à 2007 il a été Ambassadeur à Washington pendant la difficile période de la guerre en Irak. De 2000 à 2002 il a été Ambassadeur à l’ONU à New York, présidant le Conseil de Sécurité lors des attaques du 11 septembre 2001.