La politique du président Trump au Moyen-Orient se précise

10.01.2025 - Éditorial

Le futur conseiller Moyen Orient du président Trump – Massad Boulos, riche homme d’affaires d’origine libanaise et père d’un des gendres du président – a donné au Point une interview qui donne des indications intéressantes sur les orientations de la diplomatie de la nouvelle administration américaine dans la région.

L’objectif immédiat est clair : obtenir des cessez-le-feu au Liban – déjà en cours – et à Gaza  ( mais aussi en Ukraine ), ce qui conforterait l’image d’«homme de paix » du nouveau président. Mais il y a une volonté d’aller au-delà : « atteindre une paix durable au Moyen Orient »,  car la priorité pour les Etats-Unis est ailleurs , dans la compétition avec la Chine ; ce qui implique de se désengager partiellement du Moyen Orient – comme de l’Europe – en s’appuyant sur ses alliés dans la région.

Comment se décline cette politique ?

1/ Au Liban les Américains entendent , après la signature de l’accord de cessez-le-feu :

  • Veiller à la mise en œuvre effective de l’accord , grâce au comité de surveillance en cours d’installation . Cela n’exclut pas un « droit de se défendre « en cas de violation , qui est d’ailleurs inscrit dans l’accord.
  • Faire en sorte que l’armée libanaise soit déployée au sud Liban et pour contrôler les flux d’armes en provenance de l’Iran ( à l’aéroport et au port de Beyrouth , mais aussi à la frontière syrienne ).
  • Favoriser l’élection sans délai d’un président de la République bénéficiant d’un soutien suffisamment fort pour mener à bien la réforme des institutions et de l’économie libanaises.
  • Parvenir au désarmement des milices – notamment du Hezbollah – en application des résolutions 1559 et 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Un tel programme impliquera naturellement un renforcement significatif de l’armée libanaise, grâce à l’aide internationale ( occidentale et du Golfe ).

2/ A Gaza, l’objectif américain est de :

  • Parvenir à un cessez-le-feu « temporaire » permettant la libération des otages en échange de celle de prisonniers palestiniens , avec l’aide de l’Égypte , de la Jordanie , du Qatar et de la Turquie ( où résident des dirigeants du Hamas ). La négociation est en cours mais bute encore sur la liste des prisonniers palestiniens susceptibles d’être libérés.
  • Définir avec les Saoudiens une » feuille de route qui aboutirait à un Etat palestinien » . La négociation promet d’être serrée , d’où l’intérêt – commun avec les pays du Golfe – de la proposition française d’une conférence à Paris en juin sur la solution de deux États.

3/ Avec Téhéran , il est question de :

  • Reprendre la politique de « pression maximale » par de nouvelles sanctions, en profitant de l’affaiblissement actuel de l’Iran – situation économique désastreuse, opposition intérieure, pertes subies par ses « proxies » dans la région – non pas pour promouvoir un changement de régime à Téhéran, mais pour parvenir à un nouvel accord nucléaire excluant totalement l’acquisition par l’Iran de l’arme atomique.
  • Élargir la négociation avec Téhéran aux autres sujets de préoccupation que sont le programme iranien de missiles balistiques – qui menace tant Israël que les alliés du Golfe – et l’activité déstabilisatrice des milices chiites au Moyen Orient ( Irak, Liban, Syrie et Yémen ).

En résumé, la politique du président Trump au Moyen Orient ne correspond pas à une volonté de guerre, contrairement à ce qui est parfois dit. En effet les Etats-Unis ne souhaitent pas s’impliquer dans une nouvelle opération militaire dans la région , en Iran en l’occurrence .

Mais le nouveau président voudra démontrer sa capacité à mettre en œuvre ses objectifs au Moyen Orient , qui sont :

  • Marquer son ferme soutien à Israël , pour assurer sa sécurité mais pas pour se laisser entraîner dans une confrontation militaire avec l’Iran.
  • Profiter de l’affaiblissement du Hezbollah pour restaurer l’État libanais.
  • Définir avec l’Arabie Saoudite une formule sur le règlement de la question palestinienne à la fois acceptable aux Palestiniens et permettant une normalisation des relations entre le royaume et Israël , ses deux principaux alliés dans la région.
  • Négocier en position de force avec l’Iran des arrangements sur le nucléaire , le programme balistique et l’action de ses « proxies » au Moyen Orient.

Personne ne se fait d’illusion sur la difficulté de la tâche, mais celle-ci est compatible avec les objectifs français . Nous aurons cependant d’autant plus de poids auprès de l’administration Trump que nous nous coordonnerons avec nos amis dans la région, comme vient de le démontrer le succès de la visite du président de la République à Riyad.

Bertrand Besancenot
Bertrand Besancenot est Senior Advisor au sein d’ESL Rivington. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen-Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie Saoudite en 2007. En février 2017, il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen-Orient.