Les négociations de Vienne entre l’Iran et les 5+1 sont toujours à l’agenda, même si les éléments d’un accord n’apparaissent toujours pas.
En réalité, les positions des deux parties semblent éloignées, car Téhéran s’en tient à un retour à la situation de 2015, avec la levée de toutes les sanctions américaines imposées depuis, en échange de l’annulation des différentes violations iraniennes de l’accord effectuées en représailles.
Or, ce retour en arrière n’est pas évident à mettre en oeuvre (que faire de l’uranium enrichi à des taux non-autorisés ? Peut-on « oublier » les connaissances acquises, etc.) et certaines sanctions américaines ne sont pas liées au nucléaire, mais à des violations des droits de l’Homme ou à des « actions terroristes » de la part de l’Iran.
En outre, Washington et ses alliés occidentaux souhaitent prolonger certaines clauses de l’accord de 2015 et obtenir de Téhéran des concessions concernant son programme de missiles et ses ingérences au Moyen-Orient (Irak, Syrie, Liban, Yémen) via ses « proxies » dans la région.
Moscou et Pékin se contenteraient eux d’un retour à la situation de 2015, considérant que la responsabilité de la crise repose sur Washington qui s’est désengagé de l’accord sous l’administration Trump.
Sur le fond, l’administration Biden souhaite toujours parvenir à un accord avec l’Iran, mais à condition d’ « améliorer» l’accord de 2015, en rendant impossible l’acquisition par Téhéran de l’arme nucléaire et en prenant en compte les préoccupations de ses alliés au Moyen-Orient (Israël et les pays du Golfe) relatives au programme iranien de missiles et à l’action déstabilisatrice des milices chiites pro-iraniennes dans la région.
À ce jour, Téhéran a cependant exclu toute négociation sur ses missiles et sur son influence au Moyen-Orient. Mais l’Iran est naturellement intéressé – c’est même son objectif essentiel – à voir lever les restrictions sur ses exportations de pétrole et à obtenir le dégel de ses avoirs financiers à l’extérieur.
Nous sommes donc dans une phase où Washington et Téhéran souhaitent officiellement parvenir à un accord, mais y mettent des conditions difficilement acceptables à l’autre partie. A cela, on peut ajouter qu’Israël maintient la pression pour éviter des concessions américaines excessives dans la négociation, avec l’appui des Saoudiens.
La balle est donc surtout dans le camp iranien : officiellement les autorités de Téhéran demeurent favorables à un accord, mais dans les faits il existe des pressions fortes venant notamment des Pasdaran pour essayer « d’éloigner le calice ». En effet, les Gardiens de la Révolution craignent qu’un accord avec les 5+1 ne débouche inévitablement sur une ouverture du pays à l’Occident, ce qui porterait atteinte à leur mainmise croissante sur l’économie du pays.
Par ailleurs, dans un contexte de compétition américano- chinoise amenée à durer, la tentation existe à Téhéran de jouer la carte sino-russe. Des accords « stratégiques » ont déjà été signés avec ces deux pays, qui restent cependant à mettre en oeuvre. Mais les Pasdaran paraissent persuadés que l’affaiblissement relatif des Etats-Unis et leur désengagement partiel du Moyen-Orient ne peuvent qu’inciter l’Iran à ne pas leur faire de concession et à miser plutôt sur la puissance émergente chinoise.
Il reste que Téhéran se fait peut-être des illusions sur l’appui à attendre de l’axe sino-russe. En effet, les relations entre l’Iran et la Russie sont ambiguës, notamment en Syrie. De même, la Chine cherche surtout à garantir ses approvisionnements en hydrocarbures et ne s’aventurera pas dans la rivalité saoudo-iranienne.
Aujourd’hui les cartes sont sur la table et la partie n’est pas jouée.
Certains facteurs décrits plus haut penchent pour un arrangement
in fine entre l’Iran et les 5+1.
Mais la tentation est forte à Téhéran de jouer la carte sinorusse en espérant obtenir ainsi des concessions occidentales. C’est un pari risqué et les Iraniens mettent probablement la barre trop haute, au risque d’empêcher un accord raisonnable; mais les Iraniens sont de redoutables négociateurs qui savent exploiter la faiblesse des démocraties.