Nouveau modèle de développement : vers de nouvelles transformations structurelles au Maroc
Après plusieurs mois d’attentes et quelques interrogations (légitimes), la commission sur le nouveau modèle de développement (CSMD) a enfin rendu sa copie. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a ainsi reçu le Président et les membres de la CSMD au cours d’une cérémonie de restitution au Palais Royal de Fès.
Il se divise en trois grandes parties. La première se veut être un diagnostic et détaille les différents maux du modèle de fonctionnement des institutions, de la société et de l’économie marocaines. Parmi les causes de l’essoufflement du modèle actuel, la CSMD note le manque de cohérence entre la vision annoncée de développement et la faible convergence des politiques publiques, la lenteur de la transformation de l’économie et le manque d’ouverture sur les nouveaux acteurs innovants, la faible capacité à mettre en place des services publics et enfin un sentiment d’imprévisibilité qui limite les initiatives privées. La seconde est relative à la gouvernance de la chose publique, et se veut être une méthodologie pour réussir la transformation du modèle marocain de développement. La CSMD appelle à la mise en place d’une nouvelle doctrine organisationnelle qui pourrait se résumer ainsi : un Etat fort et une société forte. Cette nouvelle doctrine doit pouvoir maintenir les équilibres entre les pouvoirs de l’Etat et les initiatives de la société. Les acteurs privés et les tiers secteurs sont appelés à réaliser des synergies avec l’Etat dont les fonctions essentielles sont la stratégie, la protection, la régulation… pour plus d’efficacité.
Enfin, la troisième partie, est pour ainsi dire, une feuille de route comportant des propositions concrètes dans les domaines de l’économie, du tourisme, de l’agriculture et enfin de l’éducation et de la santé, qui sont les deux secteurs sociaux qui souffrent le plus au Maroc. Ces propositions s’inscrivent dans la tendance actuelle post-Covid 19 allant vers davantage de souveraineté industrielle, sanitaire, alimentaire ou encore numérique. La copie de la CSMD doit faire l’objet d’un Pacte national pour le développement et rassembler autour de celui-ci l’ensemble des forces vives de la Nation marocaine.
Ce moment solennel renforcera indéniablement la cohésion nationale et l’unité marocaine. Nous pouvons aussi noter que la copie de la CSMD rend compte du souci d’écoute qui a caractérisé la conduite de ses travaux, notamment les corps intermédiaires et autres acteurs de la société civile. Cette démarche d’écoute doit continuer, et peut être s’élargir, puisque le Cabinet Royal a appelé la Commission à poursuivre sa mission consultative et d’encourager le débat autour des recommandations stratégiques de la CSMD. La CSMD évoque également la mise en place d’un mécanisme chargé de suivre l’impulsion des chantiers stratégiques annoncés par la Commission et de veiller à la cohérence des stratégies du nouveau modèle de développement. Il faudra néanmoins rester vigilant pour que cette instance n’empiète pas sur les prérogatives du futur gouvernement et ne vienne pas entacher le choix démocratique marocain. Le débat autour du nouveau modèle de développement doit aujourd’hui prendre toute sa place au sein du champ politique marocain, et les partis politiques, à quelques semaines des prochaines élections législatives, communales et régionales, sont appelés à dynamiser le débat politique, notamment autour de cette copie.
Ce débat ne doit pas uniquement être politique mais également économique, même si la maîtrise de la chose économique est la grande lacune de la plupart des formations politiques marocaines : la question du financement de ce nouveau modèle doit faire l’objet d’un large débat et de propositions concrètes, puisque les réformes transformationnelles promises par la CSMD doivent pouvoir générer de la croissance et assurer la soutenabilité financière du nouveau modèle, il faudra une politique de financement volontariste dont il reste à définir les mécanismes et les leviers.