Au cours des derniers jours, certaines déclarations en provenance de Koweit, de Riyad et de Doha donnent à penser que la crise née en juin 2017 entre le Qatar et le quatuor Arabie Saoudite – Bahreïn – Egypte – Emirats Arabes Unis pourrait connaître un début de règlement. En effet, le ministre des affaires étrangères du Koweit – pays chargé d’une médiation – a déclaré que des « discussions fructueuses » s’étaient tenues et que toutes les parties « affirmaient leur engagement envers la stabilité du Golfe et la solidarité arabe».
Son homologue saoudien a indiqué pour sa part qu’il était « quelque peu optimiste » qu’un règlement impliquant non seulement l’Arabie mais également les EAU, Bahreïn et l’Egypte soit maintenant possible. Il a ajouté : « Nous avons fait des progrès significatifs au cours des derniers jours et nous espérons que cela conduira à un accord final, qui apparaît atteignable ».
Le ministre qatarien a de son côté dit que la déclaration koweïtienne était « une étape significative dans le règlement de la crise du CCEAG » . Plusieurs points méritent d’être relevés quant aux perspectives de solution de ce contentieux :
• L’administration Trump – dont les princes héritiers émirien et saoudien sont proches – s’est activée , avec Mike Pompeo et Jared Kushner, pour tenter de débloquer l’impasse actuelle. Leur objectif est d’obtenir d’une part un succès diplomatique pour l’équipe sortante et d’autre part le fait que le Qatar ne soit plus contraint par l’embargo de dépendre de l’Iran pour ses survols aériens.
• Abou Dabi est jusqu’à présent resté silencieux sur ces discussions, reflétant en cela l’aversion persistante de Mohamed ben Zayed pour l’équipe dirigeante qatarienne.
• Dans ces conditions, il est probable que la réconciliation éventuelle ne se réalisera que par étapes, la première étant l’établissement de mesures de confiance susceptibles d’assainir l’atmosphère. La première d’entre elles serait l’autorisation donnée à Qatar Airways d’utiliser l’espace aérien saoudien, ce qui supprimerait un obstacle important à l’organisation de la Coupe du Monde de Football au Qatar à la fin 2022. L’autre mesure serait de rouvrir la frontière terrestre entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, ce qui serait très bien accueilli par les nombreuses familles à cheval entre les pays du Golfe. En échange, Doha s’engagerait à modérer le ton de la chaîne satellitaire Al Jazeera, perçue comme proche des Frères Musulmans.
• Il est clair que la question de fond – l’autonomie de la politique étrangère du Qatar – ne se règlera pas du jour au lendemain, d’autant plus que l’émirat a établi un partenariat stratégique avec la Turquie, dont le président – proche des Frères Musulmans – est la bête noire d’Abou Dabi et du Caire, qui combattent précisément l’Islam politique.
• La position saoudienne est différente en ce sens que Riyad se considère comme le « Pater Familias » des Etats du Golfe, attaché à leur unité, et que la crise avec le Qatar n’a jamais constitué une priorité pour le royaume, contrairement à Abou Dabi. Donner par ailleurs cette satisfaction à Washington est un geste qui ne coûte donc pas trop cher à Mohamed Ben Salman.
• Quant au Qatar, il a intérêt à une réconciliation avec ses voisins, mais pas à n’importe quel prix. Doha estime en effet avoir été la victime d’un embargo injuste et avoir réussi à montrer dans cette crise sa capacité de résilience, confortant par là-même l’autorité de son émir et l’autonomie du pays par rapport à ses grands voisins. La réconciliation devra donc consacrer cette réalité.
• Dans ce contexte , il est probable que les premières mesures de confiance concerneront essentiellement l’Arabie Saoudite et le Qatar, avec certes l’assentiment des autres membres du quatuor. Mais une réconciliation pleine et entière, si elle se réalise un jour, prendra certainement du temps.