Comme la France, les États Unis sont un pays laïc. Le premier amendement de la Déclaration des Droits (Bill of Rights) adoptée en 1789 prévoit que « le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice ».
Les Pères Fondateurs des États Unis, inspirés par les philosophes des Lumières, ont voulu ériger, selon l’expression de Thomas Jefferson, « un mur de séparation entre l’Eglise et l’Etat ». Pourtant, le vécu quotidien de la laïcité aux Etats-Unis est fondamentalement différent de celui que nous vivons en France. D’abord, selon les sondages, 86% des Américains déclarent croire en Dieu (37% seulement en France). Ensuite, Dieu est partout tout le temps aux Etats-Unis : sur tous les dollars avec, depuis 1956, l’inscription « In God We Trust ».
Chaque matin, dans les écoles publiques, où les élèves commencent la journée en récitant le serment d’allégeance avec, depuis 1954, la formule «one nation under God ». Toutes les sessions du Congrès s’ouvrent par une prière. Toutes les réunions publiques auxquelles j’ai assisté pendant mes années d’ambassadeur à Washington se sont ouvertes de la même façon : tout le monde se lève à l’arrivée du drapeau américain ; puis la salle entonne l’hymne américain la main sur le coeur ; enfin un curé, un pasteur, un rabbin ou un imam prononce l’invocation divine. Tous les discours publics se terminent par les mêmes mots : « God Bless America ! » (imagine-t-on notre Président terminer son prochain discours non pas en disant : « vive la République, vive la France! », mais : « Que Dieu bénisse la France! »).
Et bien sûr, c’est sur la Bible que les nouveaux présidents prêtent serment ! Les dirigeants religieux, quelle que soit la religion, bénéficient d’une autorité impressionnante sur leurs fidèles. C’est vrai en particulier pour le mouvement évangéliste, très influent politiquement, et plus encore pour les Mormons là où ils dominent : leur Pape m’avait convié à déjeuner à Salt Lake City et j’avais pu mesurer à travers tout l’Utah son autorité incontestée.
Au total, les Églises chrétiennes disposent de 200 chaînes de télévision et de 1500 stations de radio à travers les États Unis. Au contraire de la laïcité française qui, au terme d’une longue histoire, vise plutôt à protéger l’Etat contre l’influence perçue comme potentiellement néfaste des Églises, la séparation américaine vise avant tout à protéger les Églises contre l’emprise autoritaire de l’Etat. Et la pression sociale vous conduit vers Dieu : peu importe votre religion, du moment que vous croyez en Dieu. Dire qu’on ne croit pas en Dieu, qu’on est athée, suscite une réaction choquée de la plupart de vos interlocuteurs : vous êtes immédiatement suspect d’être communiste, et donc d’être anti-américain !