L’assassinat de Samuel Paty a bouleversé l’opinion publique française et a suscité de nombreuses marques de sympathie dans le monde, y compris dans le monde musulman. Je relève en particulier la condamnation très ferme des grands Oulémas saoudiens. En revanche notre insistance à défendre les caricatures de Mahomet – au nom de la liberté d’expression – est mal perçue dans le monde musulman et a engendré un boycott des produits français dans certains pays arabes.
Cela montre que même si l’immense majorité des musulmans condamne les violences au nom de la foi, les caricatures – considérées comme blasphématoires – ne sont toujours pas acceptées. En réalité, cela fait longtemps que notre concept de laïcité n’est pas vraiment compris dans le monde arabo-musulman, comme l’illustrent les critiques à notre égard dans les affaires du voile et de la burqa. Ces épisodes font périodiquement apparaître la France comme un pays anti-musulman. Naturellement le président Erdogan est trop heureux d’exploiter ces sentiments pour tenter d’apparaître comme le défenseur de l’Islam dans le monde. Mais il n’est pas le seul, et tous ceux dans le monde arabe ou en Afrique qui ont un différend avec nous utilisent cet argument. Et même certains organes de presse Anglo-Saxons ne se privent pas pour critiquer de temps en temps notre modèle d’intégration, jugé oppressif. Heureusement ces crises ne durent en général pas très longtemps.
En outre, de nombreux intellectuels du monde arabo- musulman comprennent notre souci de lutter contre le radicalisme islamiste. Et la politique extérieure française est généralement appréciée dans cette partie du monde, car elle apparaît relativement indépendante et équitable. A court terme nos autorités rappellent à juste titre que, au nom de la laïcité, nous respectons l’Islam et que nous combattons seulement les radicaux qui propagent la violence. D’ailleurs ces extrémistes menacent tout autant les pays musulmans. C’est la raison pour laquelle nous apprécions les efforts de certains pays musulmans pour éradiquer les fondamentalistes et promouvoir un “ Islam du milieu “. D’où l’intérêt de notre dialogue avec un pays comme l’Arabie Saoudite, gardienne des lieux saints de l’Islam. Il reste que nous ne pouvons pas ignorer le rejet des caricatures de Mahomet dans le monde musulman, qui entache notre image dans des pays amis et partenaires importants. Notre distinction traditionnelle entre le respect des individus et le droit de critiquer des idées n’est pas vraiment compris.
Il conviendrait donc de réfléchir plus avant sur une conciliation possible entre la liberté d’expression et le souci de ne pas heurter les sentiments profonds de certains. En parallèle de ces efforts officiels d’explication, il convient sans attendre de limiter les dégâts du boycott de nos produits par une veille et des actions ciblées dans chacun des pays concernés, ce qui est le rôle précisément de l’intelligence économique