L’explosion monumentale qui a détruit une partie de Beyrouth et fait de nombreuses victimes le 4 août dernier a remis les phares de l’actualité sur la situation dramatique du Liban, qui continue hélas de s’aggraver depuis un an. L’accumulation des difficultés – liées aux tensions régionales, à la présence de deux millions de réfugiés, à une mal gouvernance incontestable et aux sanctions américaines contre le Hezbollah – fait qu’aujourd’hui le pays est au bord du gouffre : la classe moyenne a quasiment disparu, la moitié de la population est en-dessous du seuil de pauvreté, le système bancaire est fragilisé et les jeunes qui le peuvent partent à l’étranger …
vidant ainsi le pays de son principal atout : son capital humain dont la qualité remarquable est reconnue dans le monde. L’explosion du 4 août a mis en lumière l’incurie des autorités et le niveau élevé de corruption qui suce les ressources du pays. En effet, du fait de sa complexité communautaire et de la faiblesse de l’Etat, le Liban est gouverné depuis son indépendance – à l’exception de la parenthèse vertueuse du président Chéhab – par un système « consensuel » d’arrangements entre clans familiaux, qui aujourd’hui est au bout du rouleau. C’est ce qui explique l’exaspération de la population, qui demande des comptes à ses dirigeants et souhaite un changement profond du système, qui seul pourrait redonner un espoir à ce pays qui a été autrefois un modèle dans la région d’ouverture au monde et de coexistence entre communautés diverses. Face au manifestations populaires (qui n’ont pas cessé depuis le 17 octobre 2019) de rejet des « petits arrangements politiques » traditionnels, le pouvoir a changé deux fois de Premier Ministre et a engagé une négociation avec le FMI, sans pour autant que les réformes radicales indispensables soient mises en oeuvre. Or l’urgence de celles-ci pour mettre un terme à la crise socio-économique (et sanitaire) du pays a amené le président Macron à tenter, après l’explosion du 4 août, de bousculer la classe politique libanaise pour sortir de l’ornière.
Cette initiative a été généralement bien accueillie par la population, qui a été sensible au fait que la France demeure le pays qui se préoccupe le plus de son sort. Les autorités libanaises ont été contraintes de prendre des engagements, qui n’ont pas toutefois pas été tenus. Certaines parties – notamment le Hezbollah et ses alliés – ont un effet pris différents prétextes pour empêcher la formation d’un gouvernement d’experts chargés d’engager les réformes, en attendant en réalité de voir quel serait le résultat de l’élection présidentielle américaine. La vérité est que Téhéran espère qu’une administration démocrate à Washington aura une attitude plus flexible à son égard, permettant au régime de limiter les concessions nécessaires pour lever les sanctions américaines, qui contribuent largement au marasme économique en Iran. Cela explique que l’initiative française soit temporairement suspendue, alors que la situation au Liban exigerait des réformes urgentes qui seules débloqueraient l’assistance internationale indispensable pour sortir de la crise actuelle. La population libanaise – dont la résilience est légendaire – est donc actuellement l’otage d’un règlement politique régional sur lequel elle n’a pas de prise et qui conditionne en fait l’attitude de certains de ses dirigeants. En attendant une clarification de la situation géopolitique, l’assistance humanitaire internationale doit impérativement se poursuivre pour éviter l’effondrement de ce pays qui nous est cher.
Il faut – en dépit du blocage actuel – garder l’espoir que le centenaire de la création du Grand Liban sera l’occasion, grâce au courage de son peuple et avec l’aide de ses amis, dont la France demeure le plus fidèle.